Négociation de bonne foi avec Google: comment peut-on encore y croire ?

L’Autorité de la Concurrence impose à Google une série de mesures conservatoires pour qu’elle respecte enfin les droits des éditeurs de presse.

“Bien que voté, certains voulaient que ce droit reste lettre morte. Ils se sont trompés. J’engage tous les acteurs à commencer au plus vite les négociations. Ceux qui utilisent les contenus d’information doivent les rémunérer. Sans cela, il n’est pas de production d’information durable et donc pas de démocratie durable (…) Conformément aux injonctions de l’Autorité de la concurrence, il revient désormais à Google de proposer aux éditeurs une juste rémunération, à la hauteur de la valeur que le moteur de recherche retire des contenus d’information” (Franck Riester)

 

Les éditeurs de presse ont saisi l’Autorité considérant que les modalités de mise en œuvre par Google de la Loi n° 2019-775 du 24 juillet 2019 tendant à créer un droit voisin au profit des agences et des éditeurs de presse constituent un abus de position dominante, contraire aux articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du TFUE, ainsi qu’un abus de dépendance économique.

Au motif de se conformer à la Loi, Google a décidé unilatéralement qu’elle n’afficherait plus les extraits d’articles, les photographies et les vidéos au sein de ses différents services, sauf à ce que les éditeurs lui en donnent l’autorisation à titre gratuit. En pratique, la très grande majorité des éditeurs de presse ont consenti à Google des licences gratuites pour l’utilisation et l’affichage de leurs contenus protégés, et ce sans négociation possible et sans percevoir aucune rémunération de la part de Google. Au surplus, dans le cadre de la nouvelle politique d’affichage de Google, les licences accordées lui offrent la possibilité et de reprendre davantage de contenus qu’antérieurement à l’entrée en vigueur de la Loi sur les droits voisins.

 

En l’état de l’instruction, l’Autorité a considéré que Google est susceptible de détenir une position dominante sur le marché français des services de recherche généraliste, et ses pratiques sont susceptibles d’être qualifiées d’anticoncurrentielles.

 

Google a imposé aux éditeurs et agences de presse des conditions de transaction inéquitables au sens des articles L. 420-2 du code de commerce et 102 a) du TFUE, en évitant toute forme de négociation et de rémunération pour la reprise et l’affichage des contenus protégés au titre des droits voisins, et a abusé de sa position dominante pour contourner la Loi sur les droits voisins:

  1. en utilisant la possibilité laissée aux éditeurs et agences de presse de consentir des licences gratuites pour imposer systématiquement un principe de non-rémunération pour l’affichage des contenus protégés sur ses services, sans aucune possibilité de négociation ;
  2. en refusant de communiquer les informations nécessaires à la détermination de la rémunération ; et
  3. en reprenant des titres d’articles dans leur intégralité en considérant qu’ils échappaient par principe à la Loi sur les droits voisins.

 

L’Autorité a constaté l’existence d’une atteinte grave et immédiate au secteur de la presse, résultant du comportement de Google, qui, dans un contexte de crise majeure de ce secteur, prive les éditeurs et agences de presse d’une ressource vitale pour assurer la pérennité de leurs activités. Elle a prononcé des mesures conservatoires permettant aux éditeurs et agences de presse d’entrer en négociation de bonne foi avec Google en vue de discuter tant des modalités d’une reprise et d’un affichage de leurs contenus protégés que de la rémunération pouvant y être associée. Ces négociations devront s’inscrire dans une période limitée à trois mois à compter de la demande de l’éditeur ou de l’agence de presse et intégrer au titre de la rémunération la période courant depuis le 24 octobre 2019. Pendant la période de négociation, Google devra maintenir l’affichage des extraits de texte, des photographies et des vidéos selon les modalités choisies par l’éditeur ou l’agence de presse concernés. Ces mesures conservatoires resteront en vigueur jusqu’à la publication par l’Autorité de la décision au fond. Pendant cette période, et afin de s’assurer de l’effectivité de ces mesures conservatoires, Google devra adresser à l’Autorité des rapports réguliers sur les modalités de mise en œuvre de la décision.

 

Négociation de bonne foi avec Google: comment peut-on encore y croire ?

 

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