Le duopole Google et Facebook représente 70% des investissements publicitaires grâce à l’exploitation massive des données des utilisateurs. Deux sociétés américaines se partagent donc le marché de la data et de la publicité en payant par ailleurs un minimum d’impôts en France. Quelle serait la position de l’administration américaine si deux sociétés françaises bénéficiaient d’une telle position dominante sur le marché US ?
Après avoir initié en mai dernier son enquête pour évaluer la situation concurrentielle du secteur de la publicité sur Internet et l’importance de l’exploitation des données, l’Autorité de la concurrence a lancé une consultation publique afin de recueillir les observations des acteurs jusqu’au 15 septembre 2017.
En attendant que les autorités nationales et européennes ne prennent enfin des mesures appropriées, les éditeurs français (qui paient leurs impôts en France) s’allient pour mutualiser leurs data et commercialiser leurs inventaires dans le cadre d’une montée en puissance de la publicité programmatique. D’après l’Observatoire de l’e-publicité 2016 du SRI réalisé par PwC en partenariat avec l’Udecam, l’achat programmatique est en plein essor et représente actuellement 53% des investissements des annonceurs dans le format display et devrait atteindre 75% d’ici à 2020. Or, pris séparément, les éditeurs sont impuissants. Des synergies s’imposent.
Après le phénomène des places de marché comme Audience Square et La Place Media dont la fusion est prévue en septembre, et qui permettaient notamment aux éditeurs de vendre leurs inventaires invendus, les éditeurs veulent reprendre la main sur les données de leurs utilisateurs en offrant aux annonceurs des campagnes plus qualitatives.
Les groupes Le Monde et Figaro ont ainsi annoncé le lancement d’une place de marché commune dénommée Skyline afin de capter en direct les investissements publicitaires. Car sur un euro investi en digital par un annonceur, mois d’un tiers serait aujourd’hui perçu par l’éditeur, la publicité programmatique ayant multiplié les intermédiaires. Skyline a donc pour ambition de permettre aux annonceurs de mieux cibler grâce aux données socio-démographiques, comportementales et intentionnistes collectées via les services en ligne du Monde et du Figaro. Il s’agit pour les éditeurs de reprendre la main sur la commercialisation de leurs inventaires dès le mois de septembre et d’augmenter ainsi leurs revenus publicitaires.
De son côté, TF1 a annoncé la création d’une régie pan-européenne en partenariat avec les groupes italien Mediaset et allemand ProSiebenSat1.
Mais c’est l’alliance d’une dizaine de groupes (Les Echos-Parisien, Lagardère Active, Centre France La Montagne, Condé Nast, FNAC-Darty, L’Equipe, La Dépêche, La Nouvelle République, Le Télégramme, Marie-Claire, le portail thématique de M6, NextRadio TV, Perdriel, Prisma Media, SFR, SoLocal et Sud-Ouest) dénommée Gravity qui témoigne aujourd’hui de cette tendance au regroupement avec pour ambition de devenir le troisième acteur sur le marché de la publicité en ligne. Six fondateurs actionnaires à parts égales (les Echos-le Parisien, Lagardère, SoLocal, SFR, Prisma, M6) ont constitué une société assurant le financement de cette plateforme publicitaire commune et automatisée pour l’achat d’espaces publicitaires. Avec un lancement officiel prévu en novembre 2017, Gravity pourrait à terme revendiquer une couverture d’audience (ou reach) de 50% de la population française quand Google et Facebook représentent respectivement 60 et 70%. 10 milliards de données seront ainsi mutualisées chaque mois avec un large panorama de données personnelles relatives à la socio-démographie des internautes, leur localisation géographique, leurs centres d’intérêts et leurs habitudes et intentions d’achat. Il n’y a cependant pas de partage de toutes les données collectées par les éditeurs, notamment celles des bases de données issues des abonnements papier ou de remontée des données in-app. M6 a en particulier refusé d’intégrer les données en provenance de son portail de télévision de rattrapage 6play. L’acheteur sélectionne son segment data qui a un prix au CPM, puis choisit sa cible média et son budget, avant de lancer sa campagne programmatique. Mediarithmics se chargera de la clé de répartition du chiffre d’affaires généré par l’offre data, chaque éditeur étant rémunéré au cookie en fonction de son apport data. Des tiers de confiance pourront être sélectionnés par la suite pour garantir la transparence des achats.
Reste à savoir si toutes ces alliances respectent le droit de la concurrence et la réglementation sur les données personnelles, en particulier le projet de règlement ePrivacy actuellement en disucssion.
http://www.journaldunet.com/ebusiness/publicite/1196209-lagardere-echos-gravity-offre-data
http://www.zdnet.fr/actualites/gravity-la-data-made-in-france-se-dresse-face-a-google-39854662.htm