Honte aux hommes politiques qui osent dénoncer une Justice corrompue dès qu’ils sont mis en cause et comparent la France à une dictature, méprisant tous les peuples qui la subissent et accusant de corruption tous les hommes et toutes les femmes au service de la Justice dans notre démocratie. Plutôt que d’assumer avec courage leurs faits comme tout autre citoyen, ils la menacent en feignant de la défendre et crachent leurs contrevérités devant des journalistes qui n’osent même plus les affronter ou simplement rétablir la vérité. Laurent Joffrin, éditorialiste du Journal Libération, lui, ne craint pas de rétablir la vérité dans un édito que je m’autorise à reproduire.
“Etrange concert, émanant de tous les bords. Qu’on se le dise : la justice française est politisée. Jean-Luc Mélenchon annonce à son de trompe qu’il est victime d’un procès politique et embringue Lula dans cette croisade. Tariq Ramadan publie un livre où il se compare à Dreyfus. Les amis de Nicolas Sarkozy ne cessent de dénoncer l’acharnement des juges qui le mettent en cause dans une tripotée d’affaires. Marine Le Pen déplore hautement la vindicte des magistrats et celle des autorités européennes qui contestent sa gestion quelque peu acrobatique des assistants parlementaires du RN. Le couple Balkany crie à l’iniquité et au règlement de comptes politique dans des affaires de détournements de fonds. En son temps, François Fillon avait stigmatis é un «cabinet noir» élyséen chargé de coordonner les venimeuses attaques de la justice contre son auguste personne, etc. A entendre ce chœur d’innocents martyrisés, aucun doute : les tribunaux se sont constitués en autant de cours arbitraires et partisanes décidées à réprimer les hommes et les femmes libres.
Prenons au mot, pour un instant, ces déchirants plaidoyers en faveur d’une justice plus indépendante. Ainsi, une coalition informelle de robins aurait décidé de politiser son action pour nuire gravement à la France insoumise, à l’islam politique (ou à l’islam tout court), à la droite sarkozyenne et à LR en général ou encore au Rassemblement national. Il faut y ajouter, même s’ils se plaignent de manière plus discrète, les élus du Modem, également mis en cause dans une affaire d’assistants parlementaires, ou naguère les socialistes, impliqués dans une série d’affaires de financement douteux.
Il faut donc imaginer un chef d’orchestre clandestin qui ne serait ni de la gauche, ni de la droite, ni de la gauche radicale, ni de l’extrême droite, qui maltraite les élus et les responsables de tous ces courants. Pour le compte de quelle entité politique ? Les radicaux de gauche ou Debout la France, peut-être, puisqu’ils sont étrangement épargnés ? Ou alors Macron, le jupitérien organisateur de toutes choses ? Mais pourquoi diable le Président irait-il chercher subrepticement noise à ses meilleurs adversaires, en l’occurrence la droite et la gauche radicales, qui lui fournissent un repoussoir utile pour rassembler sous son aile la masse de l’électorat modéré ?
A moins qu’il n’y ait une explication plus triviale à ces ennuis judiciaires répartis entre tous les partis : certains de leurs leaders sont soupçonnés de délits ou d’infractions, ils doivent en répondre devant la loi. Jean-Luc Mélenchon est accusé d’avoir malmené des magistrats et des policiers ; Tariq Ramadan est accusé de viol par cinq femmes et doit s’en expliquer ; on reproche à Nicolas Sarkozy des pratiques financières qui posent question ; plusieurs partis semblent avoir utilisé les services de leurs assistants parlementaires pour des tâches militantes ; les Balkany sont mis en cause pour une fraude fiscale qu’ils ont reconnue et pour des détournements de fonds qu’ils s’efforcent de réfuter, etc. Très logiquement, la justice a été saisie.
Dans tous ces dossiers, les prévenus sont présumés innocents et disposent de tous les moyens légaux de défense et de recours, qu’ils ne se privent pas d’utiliser à fond. Selon la pertinence des preuves fournies aux procès ou à l’instruction, ils bénéficieront de non-lieux, de relaxes, ou bien ils écoperont d’une condamnation fondée sur les articles du code pénal. Rien que de très banal, en somme. Au demeurant, aucun d’entre eux n’avance le moindre élément concret qui viendrait accréditer l’idée de complot politico-judiciaire. Hypothèse horrible : peut-être se plaignent-ils, au fond, de voir la justice, qui a pris au fil des ans une plus grande indépendance à l’égard du pouvoir politique, leur appliquer le traitement qu’elle réserve habituellement au citoyen lambda. Terrible nouvelle…”
https://www.liberation.fr/politiques/2019/09/09/une-justice-partisane_1750173