La création assistée par ordinateur n’est pas nouvelle. Demander à David Guetta ! Tous les secteurs de la Propriété Intellectuelle sont concernés : oeuvres musicales, littéraires, audiovisuelles, graphiques, picturales, architecturales, etc. La question de la propriété et de la protection des droits de l’auteur des oeuvres créées avec l’assistance informatique se pose avec acuité avec le développement fulgurant de l’Intelligence Artificielle. Pour distinguer les créations assistées par l’IA de celles générées par l’IA, la notion prétorienne complexe d’empreinte de la personnalité de l’auteur pour apprécier l’originalité d’une œuvre devra nécessairement être étudiée.
La tendance actuelle en Europe comme aux Etats-Unis est de considérer qu’une création générée par une intelligence artificielle ne peut pas bénéficier d’une protection au titre du droit d’auteur. Le Bureau du Copyright Office américain a récemment rappelé que le copyright ne pouvait s’appliquer qu’au fruit d’une création humaine dans un litige l’opposant à Stephen Thaler qui revendiquait la paternité d’une photographie créée avec le système d’IA DABUS dont il était également le développeur. Peu importe les instructions fournies aux IA génératives par le donneur d’ordre car il ne peut pas prédire ce que l’IA va générer. En d’autre termes, l’humain n’a pas le contrôle de la création.
“L’acte de création humain — et la meilleure manière d’encourager les individus à investir du temps dans cet acte, faisant ainsi progresser la science et les arts — est au cœur de la doctrine du copyright américain depuis sa naissance. Les entités non-humaines n’ont pas besoin de cette incitation que représentent les droits exclusifs sur une création, et le copyright n’a pas été pensé pour elles ”
Dans une autre affaire relative à la bande dessinée Zarya of the Dawn créées par Kris Kashtanova à l’aide de l’IA Midjourney, le Copyright Office avait dans un premier temps accepté l’enregistrement de Zarya of the Dawn dans ses registres et considérée Kris Kashtanova comme la titulaire des droits sur le titre, ses textes et ses dessins. Le Copyright Office est finalement revenu sur sa position car au moment de sa demande d’enregistrement, Kris Kashtanova n’avait pas précisé l’implication de Midjourney dans le processus de création. Kris Kashtanova a fait valoir que l’oeuvre avait été assistée par l’IA mais qu’elle avait décidé de l’écriture du scénario, des choix de mise en scène et de sa mise en page.
“ Nous sommes parvenus à la conclusion que Mme Kashtanova est l’autrice des textes de l’œuvre, mais aussi de la sélection, coordination et de l’organisation des éléments écrits et visuels de l’œuvre” (…) MAIS “ les images de l’œuvre générées par la technologie Midjourney ne sont pas le fruit d’une création humaine ”
En conséquence, le premier certificat a donc été annulé et remplacé par un autre actant du copyright uniquement sur les textes, l’organisation et la mise en page de la BD. Les images générées par Midjourney ne sont donc pas protégées individuellement et deviennent donc réutilisables.
Tous les secteurs de la création sont impactés. Aux États-Unis, plus de 10 000 auteurs ont signé une lettre ouverte aux dirigeants d’OpenAI (ChatGPT), Alphabet (Google), Meta (Facebook), Stability AI, IBM et Microsoft pour dénoncer le développement incontrôlé des technologies basées sur l’IA et l’usage sans contrepartie des œuvres protégées par le droit d’auteur. Plusieurs plaintes ont également été déposées pour exploitation non autorisée et sans compensation de leurs œuvres permettant à l’IA de générer ses propres oeuvres. Rappelons que certaines de ces entreprises sont coutumières puisqu’elle se sont développées depuis 20 ans grâce à la violation protéiforme des droits des tiers. En effet, l’IA s’appuie sur l’apprentissage automatique en absorbant et en traitant une énorme quantité de contenus de tiers pour générer des oeuvres dérivées. Les auteurs à l’origine des plaintes indiquent que leurs textes ont été utilisés par les entreprises exploitant les outils IA sans leur consentement, sans aucune compensation et sans mention des sources. Alors que les revenus de ces entreprises sont indécents puisque leurs modèles économiques est basé sur l’adage “we do not share any revenue or only few”, l’Authors Guild rappelle la précarité grandissante des auteurs dont les revenus ont diminué de 40 % en 10 ans (à comparer avec l’augmentation des revenus de ces entreprises sur la même période pour ceux qui douteraient encore de la corrélation).
“La monnaie n’est qu’un parasite dans le fonctionnement de l’économie de marché. Un parasite dangereux, à domestiquer, parce qu’on ne peut pas l’éliminer” Jacques Attali