03 – Avocat – Le secret professionnel

Deux principes essentiels dominent l’exercice de la profession d’avocat : l’indépendance qui en est l’âme et le secret professionnel qui en est le cœur. Indissociable de son indépendance, le secret professionnel est consubstantiel à la profession d’avocat mais n’est pas un bouclier destiné à le protéger et fait de lui le confident nécessaire de son client. A ce titre, l’avocat peut révéler ce qui est dans l’intérêt de la défense de son client et uniquement ceci.

“Le bon fonctionnement de la société veut que le malade trouve un médecin, le plaideur un défenseur, le catholique un confesseur, mais ni le médecin, ni l’avocat, ni le prêtre ne pourraient accomplir leur mission si les confidences qui leur sont faites n’étaient assurées d’un secret inviolable. Il importe donc à l’ordre social que ces confidents nécessaires soient astreints à la discrétion et que le silence leur soit imposé sans condition ni réserve, car personne n’oserait plus s’adresser à eux si l’on pouvait craindre la divulgation du secret confié. Ce secret est donc absolu et d’ordre public” (Émile Garçon)

“Le secret professionnel des avocats a une grande importance tant pour l’avocat et son client que pour le bon fonctionnement de la justice. Il s’agit à n’en pas douter de l’un des principes fondamentaux sur lesquels repose l’organisation de la justice dans une société démocratique” (CEDH)

“La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état, soit par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une révision temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende” (art. 226-13 du Code pénal) :

Le secret professionnel se définit comme « l’obligation, pour les personnes qui ont eu connaissance de faits confidentiels dans l’exercice ou à l’occasion de leurs fonctions, de ne pas les divulguer hors les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret » .

Le secret professionnel de l’avocat est prévu par l’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, les articles 4 et 5 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005, et les articles 2 et 3 du règlement intérieur national de la profession d’avocat (RIN):

  1. L’avocat est le confident nécessaire du client.
  2. Le secret professionnel de l’avocat est d’ordre public, général, absolu et illimité dans le temps et couvre toutes les matières (conseil, défense…) et tous les supports (papier, télécopie, voie électronique…).
  3. L’avocat doit le faire respecter par tous les membres du cabinet ou de la structure avocats ou non.
  4. L’avocat ne peut en être relevé par son client, par quelque autorité que ce soit ou plus généralement par qui que ce soit, sauf pour les besoins strictement nécessaires à sa défense et dans les cas suivants : mise en cause dans une procédure pénale, recherche de responsabilité civile professionnelle, contestations d’honoraires.

Nombreux avocats expriment la crainte d’une dévalorisation continue du secret professionnel en raison de certaines évolutions jurisprudentielles et de textes successifs perçus comme une forme de grignotage perpétuel du secret professionnel. Cependant, c’est en principe uniquement dans les cas exceptionnels où un intérêt supérieur l’emporte sur celui qui fonde le secret professionnel de l’avocat que la confidentialité est susceptible d’être écartée, notamment :

  • la déclaration de soupçon en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme;
  • la déclaration de dispositif transfrontalier potentiellement agressif en matière fiscale.

Correspondances Avocat/Client

Sur le plan européen, l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme accorde une protection renforcée aux échanges entre les avocats et leurs clients. Cette protection renforcée se justifie par la considération que les avocats assurent une mission fondamentale dans une société démocratique, reposant sur une relation de confiance avec leurs clients, auxquels est ainsi garanti le droit à un procès équitable, comprenant le droit de tout accusé de ne pas s’auto-incriminer.

Si cette protection est renforcée, elle s’applique “lorsqu’une personne a commis ou pense avoir commis une infraction, mais non lorsque des conseils sont demandés à un avocat avant toute commission d’une infraction, et qu’il s’agit donc de conseils qui auraient pu être sollicités auprès de toutes les autres personnes exerçant des missions de conseil juridique, comme par exemple des notaires. Dans sa décision du 1er mars 2024, le Conseil d’État a ainsi rejeté la requête des avocats contre une circulaire du 28 février 2022 présentant les dispositions de loi Confiance renforçant les droits de la défense. Saisi par l’Association des avocats pénalistes, l’ordre des avocats au barreau de Paris et l’ordre des avocats au barreau des Hauts-de-Seine soutenus par la Conférence des bâtonniers et le CNB, le CE a rejeté leur demande d’annulation pour excès de pouvoir de la circulaire. Le Conseil d’État a confirmé que “le législateur a entendu élargir le champ du secret professionnel à une partie seulement des activités de conseil des avocats, et non à l’ensemble d’entre elles (…) Si les documents résultant d’une activité de conseil d’un avocat après la commission d’une infraction par son client doivent être regardés, alors même que celui-ci ne fait l’objet d’aucune poursuite pénale ou mise en cause au moment où cette activité de conseil intervient, comme participant de la préparation d’une défense à venir et, à ce titre, comme relevant de l’exercice des droits de la défense, il en va autrement des documents résultant d’une activité de conseil d’un avocat avant toute commission d’une infraction par son client, lesquels, dès lors qu’ils ne relèvent pas de l’exercice des droits de la défense au sens du second alinéa de l’article 56-1 du Code de procédure pénale, ne sont pas couverts par le secret professionnel”.

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Cette protection inclue les échanges entre la secrétaire de l’avocat d’une des parties et l’avocat d’une autre partie dès lors que ces correspondances portent clairement comme objet le nom des parties et du dossier concerné et précise la nature des pièces jointes, et qu’elles ne portent pas la mention “officielle”. La Cour de cassation considère que, peu important les conditions de leur transmission et l’auteur de leur production, la cour d’appel a déduit que les pièces en cause étaient couvertes par le secret professionnel de l’avocat et ne pouvaient être produites en justice. Ainsi, une lettre de l’avocat d’un propriétaire au conseil de l’émetteur d’une offre d’achat, lettre portant la mention “officielle”, à laquelle est jointe une copie de l’offre d’achat de bien immobilier signée n’est pas couverte par le secret. À défaut de mention “officielle”, les lettres échangées entre les conseils ne peuvent être versées aux débats pour démontrer l’existence d’un accord intervenu entre les parties quant à une transaction. De même, la reproduction intégrale par un avocat, dans une assignation, d’une lettre reçue de son confère, qu’il considère de sa propre initiative comme officielle, viole le secret.

Elle interdit à un avocat de s’entretenir avec son client en présence de l’épouse de celui-ci, certes mise en cause dans la même procédure, mais aux intérêts divergents et défendue par un conseil distinct, ce qu’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du 10 janvier 2023 (pourvoi n° 22-80.969). A la suite du décès d’une enfant mineure, une information judiciaire avait été ouverte pour coups mortels aggravés. Ont été mis en examen les parents de l’enfant ainsi que ses grands-parents, chacun étant assisté par un avocat. L’avocat du grand-père s’est entretenu de la procédure avec son client, en présence constante de son épouse, et hors la présence de l’avocat de cette dernière. Des écoutes téléphoniques ayant révélé de possibles violations du secret de l’instruction, une enquête a été diligentée, à la suite de laquelle l’avocat a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour violation du secret professionnel. Les juges suprêmes précisent qu’aucun texte du code de procédure pénale ou du règlement intérieur normalisé de la profession d’avocat n’autorise l’avocat à communiquer des renseignements tirés d’une procédure pénale à une personne qui n’est pas son client, fût-elle par ailleurs partie à la procédure.

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L’affaire Michaud (CEDH, 6 décembre 2012, n°12323/11) nous éclaire sur l’obligation incombant aux avocats français de déclarer leurs soupçons relatifs aux éventuelles activités de blanchiment menées par leurs clients. Patrick Michaud, avocat au barreau de Paris et MCO, considérait notamment que cette obligation entrait en contradiction avec l’article 8 de la Convention. La CEDH justifie la protection renforcée « par le fait que les avocats se voient confier une mission fondamentale dans une société démocratique : la défense des justiciables. Or un avocat ne peut mener à bien cette mission fondamentale s’il n’est pas à même de garantir à ceux dont il assure la défense que leurs échanges demeureront confidentiels. C’est la relation de confiance entre eux, indispensable à l’accomplissement de cette mission, qui est en jeu. En dépend en outre, indirectement mais nécessairement, le respect du droit du justiciable à un procès équitable, notamment en ce qu’il comprend le droit de tout accusé de ne pas contribuer à sa propre incrimination“. La CEDH a cependant jugé que l’obligation de déclaration de soupçon « poursuivait le but légitime de la défense de l’ordre et de la prévention des infractions pénales dès lors qu’elle visait à lutter contre le blanchiment de capitaux et les infractions pénales associées, et qu’elle était nécessaire pour atteindre ce but ». L’obligation de déclaration de soupçon ne porte pas une atteinte disproportionnée au secret professionnel des avocats, puisque ceux-ci n’y sont pas astreints lorsqu’ils exercent leur mission de défense des justiciables et que la loi met en place un filtre protecteur du secret professionnel en prévoyant que les avocats ne communiquent pas directement leurs déclarations à l’administration mais à leur bâtonnier.

Surveillance et écoutes téléphoniques d’un avocat

L’avocat soupçonné d’avoir commis une infraction peut être placé sur écoute à l’initiative du juge d’instruction ou du juge des libertés et de la détention saisi sur requête du procureur de la République, sous réserve d’informer préalablement le bâtonnier à peine de nullité. Le bâtonnier étant lui-même tenu au secret professionnel, il ne peut ni avertir l’avocat placé sur écoute ni exercer aucune voie de recours.

La loi interdit, également à peine de nullité, de transcrire une discussion tenue dans le cadre de l’exercice des droits de la défense. Cependant, bien que ces propos ne puissent pas être transcrits, il est illusoire de croire que l’enquêteur ayant écouté l’ensemble des conversations n’aurait qu’une mémoire sélective. De plus et surtout, la décision n’est susceptible d’aucun recours, n’est notifiée à personne, et n’est versée au dossier qu’une fois les écoutes terminées, avec la transcription des conversations utiles.

Enfin, les avocats peuvent également être écoutés incidemment à l’occasion du placement sur écoute de leur client, ce qui permet d’écouter des conversations couvertes par le secret professionnel sans que le bâtonnier n’ait été avisé, et donc de détourner la procédure. Les écoutes par ricochet ont été validées par la Cour de cassation à l’occasion de l’affaire Bismuth, laquelle a considéré que les propos tenus par l’avocat de Nicolas Sarkozy étaient de nature à révéler sa participation à la commission d’une infraction, alors même qu’aucun soupçon ne pesait sur lui ab initio. Autrement dit, les conversations entre un avocat et son client peuvent être transcrites sans que le bâtonnier n’ait été informé de cette écoute incidente, et sans qu’aucun magistrat n’ait autorisé préalablement l’écoute incidente de l’avocat.

En réaction, les avocats ont recours de plus en plus à des méthodes de chiffrement de leurs conversations ou à des messageries dédiées pour garantir la confidentialité de leurs échanges avec leurs clients.

La CEDH a pris une décision de principe en refusant de considérer comme confidentielle toute conversation entre un avocat et son client, en opposant une fin de non-recevoir aux revendications d’un secret absolu (CEDH, 16 juin 2016, n°49176/11). Dans cette affaire, l’avocate était en charge de la défense des intérêts du représentant légal d’une société soupçonnée de violation de l’embargo sur l’importation de viande bovine en provenance du Royaume-Uni. L’affaire concernait l’utilisation contre l’avocate, à des fins disciplinaires, de la transcription d’une conversation téléphonique qu’elle avait eue avec son client. La CEDH a conclu à l’absence de violation de l’article 8 de la Convention, jugeant que l’ingérence litigieuse n’avait pas été disproportionnée par rapport au but légitime poursuivi. Elle a estimé que la transcription de la conversation entre l’avocate et son client était fondée sur le fait que son contenu était de nature à faire présumer que l’intéressée avait elle-même commis une infraction. Les droits de la défense du client ne sont pas atteints dès lors que les conversations ainsi captées ne peuvent être utilisées contre le client mais seulement contre l’avocate. La CEDH considérait depuis longtemps que les communications téléphoniques relèvent de la vie privée et que le secret de la correspondance en fait partie, peu important que ces écoutes soient effectuées sur la ligne d’un tiers. Toute interception, transcription et utilisation d’une communication téléphonique dans une procédure pénale constitue donc, en principe, une ingérence dans la vie privée, au sens de l’article 8 de la Convention européenne. Elle peut cependant être licite si elle répond à trois conditions :

  1. Lorsqu’elle est prévue par la loi. Le droit français autorise les écoutes téléphoniques lorsque les nécessités de l’information l’exigent (articles 100 et suivants du code de procédure pénale);
  2. la procédure doit poursuivre un but légitime;
  3. Il doit y avoir un contrôle de proportionnalité entre l’interception et ce but légitime poursuivi.

Saisie des données électroniques protégées par le secret professionnel

Dans une affaire relative à la procédure de réquisition administrative des données de connexion (Décision n° 2015-478 QPC du 24 juillet 2015, Association French Data Network et autres), le Conseil constitutionnel a rappelé qu’au nombre des droits et libertés constitutionnellement garantis figurent le droit au respect de la vie privée et le secret des correspondances, la liberté d’expression, les droits de la défense et le droit à un procès équitable mais “qu’aucune disposition constitutionnelle ne consacre spécifiquement un droit au secret des échanges et correspondances des avocats”. Le secret professionnel est néanmoins indirectement protégé par ces droits et libertés constitutionnellement garantis que sont le droit à la vie privée, le secret des correspondances, les droits de la défense, le droit à un procès équitable.

S’agissant de la saisie des données électroniques protégées par le secret professionnel, la CEDH a jugé dans un arrêt du 3 décembre 2019 que la saisie des données électroniques des avocats et le refus de les restituer ou de les détruire ne répondaient pas à un besoin social impérieux, n’étaient pas proportionnées aux buts légitimes visés (la défense de l’ordre, la prévention des infractions pénales et la protection des droits et libertés d’autrui), n’étaient donc pas nécessaires dans une société démocratique et violaient l’article 8 de la CEDH. Dans cette affaire, les avocats se plaignaient de la saisie de leurs données électroniques par les autorités judiciaires pour les besoins d’une procédure pénale dirigée à l’encontre d’un autre avocat qui partageait le même bureau qu’eux. Le juge assesseur de la cour d’assises, dans son ordonnance de perquisition, avait indiqué d’une façon trop large l’étendue des perquisitions, en énonçant le but de l’opération comme “recueillir les éléments de preuve et saisir les objets” qui pourraient montrer que le suspect menait des activités au sein de l’organisation terroriste KCK/PKK. L’ordonnance ne précisait pas quels objets ou documents concrets ou spécifiques devaient être trouvés ni comment ces éléments seraient pertinents pour l’enquête pénale. L’ordonnance a permis ainsi aux autorités chargées de l’enquête d’examiner toutes les données électroniques se trouvant dans les bureaux des requérants, sans tenir spécialement compte qu’il s’agissait d’un cabinet d’avocats et qu’il pourrait y avoir des documents relevant du secret professionnel. En outre, bien qu’un représentant du barreau d’Istanbul et une requérante aient assisté à la perquisition et que les données saisies aient été placées dans un sac scellé, aucune autre mesure de protection spéciale n’a été prise contre l’ingérence dans le secret professionnel. En effet, aucune procédure de filtrage des documents ou des données électroniques protégés par le secret professionnel, ni aucune interdiction explicite de saisir des données protégées par ce secret n’ont été imposées pendant la perquisition. Au contraire, l’ensemble des données se trouvant sur le disque dur de l’ordinateur utilisé conjointement par les avocats qui partageaient les locaux et sur une clé USB ont été saisies. Or, une fois le secret professionnel invoqué et le retour des données électroniques saisies demandé, la loi imposait aux autorités judiciaires une obligation de procéder rapidement à un examen des données saisies et, le cas échéant, de restituer aux intéressés ou de détruire les données protégées par ce secret.

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https://www.lemondedudroit.fr/professions/238-avocat/67486-cedh-saisie-des-donn%C3%A9es-%C3%A9lectroniques-prot%C3%A9g%C3%A9es-par-le-secret-professionnel-avocat-client.html

Perquisitions et saisies effectuées au cabinet des avocats

La CEDH a rappelé que, dès lors qu’il n’existe aucun soupçon raisonnable à l’encontre d’un avocat d’avoir commis une infraction, les perquisitions, quels que soient les locaux où elles sont réalisées, sont constitutives d’un détournement de pouvoir. Ainsi, en droit interne, le cabinet d’un avocat ou son domicile personnel ne peuvent être perquisitionnés que si celui-ci est soupçonné d’avoir participé à la commission d’une infraction, la perquisition devant être réalisée par le juge d’instruction ou le procureur en présence du bâtonnier.

Le pouvoir de l’officier de police judiciaire et du juge d’instruction de saisir les documents utiles à la manifestation de la vérité est par ailleurs limité par le respect de la “confidentialité des correspondances échangées entre un avocat et son client et liées à l’exercice des droits de la défense”.

Au cours de la perquisition, le bâtonnier peut s’opposer à la saisie d’un document couvert par le secret, lequel sera alors placé sous scellés et transmis au juge des libertés et de la détention. Après un débat contradictoire, le juge des libertés et de la détention décidera si le document saisi doit être versé à la procédure ou non, dans un délai de cinq jours suivant la réception du scellé.

La cour de cassation a rappellé dans un arrêt de sa chambre criminelle en date du 9 février 2016 (Crim 9 février 2016 n°15-85063) qu’il résulte des articles 56-1 du code de procédure pénale et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme que les perquisitions dans le cabinet d’un avocat ou à son domicile ne peuvent être effectuées que par un magistrat et en présence du bâtonnier ou de son délégué, à la suite d’une décision écrite et motivée prise par ce magistrat, qui indique la nature de l’infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, les raisons justifiant la perquisition et l’objet de celle-ci et dont le contenu est porté dès le début de la perquisition à la connaissance du bâtonnier ou de son délégué. L’absence, dans la décision prise par le magistrat, des motifs justifiant la perquisition prive le bâtonnier, chargé de la protection des droits de la défense, de l’information qui lui est réservée et interdit ensuite le contrôle réel et effectif de cette mesure par le juge. La CEDH a pu conclure à la violation de l’article 8 de la Convention, jugeant la visite domiciliaire chez un avocat et les saisies disproportionnées par rapport au but visé, en précisant que si le droit interne peut prévoir la possibilité de perquisitions dans le cabinet d’un avocat, celles-ci doivent impérativement être assorties de garanties particulières de nature à empêcher la consultation effective de tous les documents du cabinet ainsi que leur saisie ainsi que de documents personnels de l’avocat, soumis au secret professionnel.

Par arrêt 6 décembre 2023, la Cour de cassation a rappelé que le secret professionnel est institué dans l’intérêt du client et non de l’avocat. Un avocat avait conclu avec sa cliente une convention de prestations juridiques. Soutenant que l’avocat avait commis un détournement de clientèle et une rétention de dossiers, la société avait déposé plainte pour abus de confiance. Par ordonnance, le président d’un tribunal judiciaire saisi d’une requête de la société a désigné un huissier de justice avec pour mission de se rendre au cabinet de l’avocat et de procéder avec l’aide éventuelle d’un expert informatique à la recherche de documents et correspondances de nature à établir les faits litigieux. L’avocat a assigné la société en lui opposant le secret professionnel. Pour rétracter l’ordonnance sur requête, la cour d’appel avait retenu qu’aucun texte n’autorise la consultation ou la saisie des documents détenus par un avocat au sein de son cabinet en dehors de la procédure prévue à l’article 56-1 du code de procédure pénale. Or, le juge avait autorisé des mesures sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile qui n’étaient pas légalement admissibles en ce qu’elles portaient atteinte au secret professionnel des avocats. La cour de cassation casse cette décision.

“Le secret professionnel de l’avocat ne constitue pas en lui-même un obstacle à l’application des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile dès lors que les mesures d’instruction sollicitées, destinées à établir la faute de l’avocat, sont indispensables à l’exercice du droit à la preuve du requérant, proportionnées aux intérêts antinomiques en présence et mises en oeuvre avec des garanties adéquates”

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Dans un arrêt du 24 septembre 2024, la Cour de cassation a confirmé l’arrêt de la cour d’appel dans une affaire où des opérations de visite et saisie, autorisées par le juge des libertés et de la détention sur le fondement de l’article L. 450-4 du code de commerce, avaient été pratiquées dans les locaux d’une société d’avocats :
– si les documents et les correspondances échangés entre le client et son avocat sont couverts par le secret professionnel, il demeure qu’ils peuvent notamment être saisis dans le cadre des opérations de visite prévues par l’article L. 450-4 du code de commerce dès lors qu’ils ne relèvent pas de l’exercice des droits de la défense ;
– les dispositions des articles 56-1 et 56-1-1 du code de procédure pénale ne sont pas applicables aux opérations de visite et de saisie autorisées en application de l’article L. 450-4 du code de commerce, sauf, s’agissant du premier de ces articles, si ladite visite a lieu dans l’un des lieux qu’il mentionne, et ce, en application du dernier alinéa dudit article.
En l’espèce, dans le cadre d’opérations de visite sur le fondement de l’article L. 450-4 du code de commerce, il appartenait à la société d’avocats d’identifier au sein des fichiers saisis ceux relevant de l’exercice des droits de la défense qui ne peuvent pas être saisis. La société d’avocats qui aurait du identifier au sein des fichiers saisis ceux relevant de l’exercice des droits de la défense, n’a pas mis en mesure le juge d’exercer son contrôle.

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Des avocats craignaient qu’avec cette décision, c’était la fin en France du secret professionnel en matière de conseil. Dans une affaire dans laquelle un cabinet d’avocat luxembourgeois s’était opposé à la remise de consultations et correspondances avocat-client aux autorités fiscales espagnoles par le biais de la coopération internationale, la CJUE a rappelé le 26/09/2024 le principe de la protection renforcée des communications entre un avocat et son client, y compri s’agissant de l’activité de conseil, remettant ainsi en cause la position de la cour de cassation :

“L’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne doit être interprété en ce sens qu’une consultation juridique d’avocat en matière de droit des sociétés entre dans le champ de la protection renforcée des échanges entre un avocat et son client, garantie par cet article, si bien qu’une décision enjoignant à un avocat de fournir à l’administration de l’État membre (…) l’ensemble de la documentation et des informations relatives à ses relations avec son client, afférentes à une telle
consultation, constitue une ingérence dans le droit au respect des communications entre un avocat et son client, garanti par ledit article (…) L’article 7 et l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une injonction fondée sur une réglementation nationale en vertu de laquelle le conseil et la représentation par un avocat dans le domaine fiscal ne bénéficient pas, sauf en cas de risque de poursuites pénales pour le client, de la protection renforcée des communications entre un avocat et son client, garantie par cet article 7″

 

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Perquisitions et saisies en matière fiscale au cabinet ou au domicile d’un avocat

Le Conseil constitutionnel a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur la conformité à la Constitution de l’article 56-1 du code de procédure pénale selon lequel lorsque des opérations de visite et de saisie ont lieu dans le cabinet d’un avocat ou à son domicile, elles sont effectuées par un Juge des Libertés et de la Détention (JLD) en présence du bâtonnier ou de son délégué, qui peut s’opposer à la saisie d’un document ou d’un objet s’il estime que cette saisie serait irrégulière. L’article L. 16 B du livre des procédures fiscales prévoit que le JLD peut autoriser les agents habilités de l’administration fiscale à effectuer des visites en tous lieux, même privés, où sont susceptibles d’être détenus des pièces et documents se rapportant à des agissements frauduleux en matière d’impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de taxes sur le chiffre d’affaires et à procéder à leur saisie. Le Conseil constitutionnel a jugé que le principe d’impartialité ne s’oppose pas à ce que le JLD qui a autorisé une perquisition statue sur la contestation d’une saisie effectuée à cette occasion par un autre JLD. En revanche, les dispositions contestées ne sauraient, sans méconnaître ce principe, être interprétées comme permettant qu’un même JLD effectue une saisie et statue sur sa contestation. Par conséquent, le Conseil constitutionnel juge, dans sa décision n° 2022-1031 QPC du 19 janvier 2023, que les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent, sous cette même réserve, être déclarées conformes à la Constitution.

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Consultations de compte bancaire d‘un avocat

S’agissant des demandes de consultations de compte bancaire d‘un avocat, la CEDH a considéré que l’accès aux comptes bancaires d’une avocate mise en examen pour fraude fiscale violait l’article 8  car il constituait une ingérence dans son droit au respect du secret professionnel et de sa vie privée (CEDH, 1er décembre 2015, n°69436/10). Dans cette affaire, la procédure visant la levée du secret professionnel s’est déroulée sans que l’avocat n’y participe, celle-ci n’ayant pu à aucun moment présenter ses arguments. En outre, et contrairement aux exigences du droit interne, l’Ordre des avocats n’avait pas été sollicité au cours de la procédure. La Cour considère également que l’exigence d’un « contrôle efficace » posée par l’article 8 de la Convention n’avait pas été assurée. Eu égard à l’absence de garanties procédurales et d’un contrôle juridictionnel effectif de la procédure de levée du secret professionnel les autorités portugaises n’avaient donc pas garanti un juste équilibre entre les impératifs de l’intérêt général et les exigences de protection du droit de la requérante au respect de sa vie privée.

 

Obligation de vigilance et déclarative de soupçon au bâtonnier sur les transactions susceptibles de provenir d’une fraude fiscale ou de participer au financement d’activités terroristes

Si l’avocat peut donc être sanctionné en cas de violation du secret professionnel, il existe également des situations dans lesquelles l’avocat sera cette fois sanctionné s’il ne révèle pas certaines informations dont il a eu connaissance en sa qualité d’avocat.

La question du blanchiment pose un véritable dilemme entre, d’une part, la nécessaire et légitime lutte contre le blanchiment des capitaux et le terrorisme et d’autre part, la sauvegarde de l’indépendance des avocats et du secret professionnel.

Le but des différentes réglementations européennes en la matière était d’imposer aux avocats une double obligation : d’une part une obligation de déclaration de soupçon, leur imposant de déclarer spontanément les faits pouvant constituer l’indice d’un blanchiment, d’autre part une obligation de répondre aux demandes d’informations adressées par la cellule Tracfin.

L’article L. 561-3 du code monétaire et financier divise les obligations des avocats en deux grandes catégories :

  • lorsqu’ils agissent en qualité de mandataire pour des opérations financières ou immobilières, en qualité de fiduciaire ou encore en tant qu’assistant juridique pour la préparation ou la rédaction d’une série d’actes, ils sont tenus par les obligations de vigilance et déclarative de soupçon ;
  • lorsque, au contraire, ils donnent une consultation juridique ou que leur activité se rattache à une procédure juridictionnelle, ils ne sont tenus à aucune obligation déclarative.

 

Communication de l’avocat sur une affaire en cours

“Sans préjudice de l’exercice des droits de la défense, l’avocat ne peut faire état auprès de quiconque pendant la durée de la garde à vue ni des entretiens avec la personne qu’il assiste, ni des informations qu’il a recueillies en consultant les procès-verbaux et en assistant aux auditions et aux confrontations (…) L’avocat ne peut divulguer la teneur de l’audition du gardé à vue, même si la divulgation a été faite à un autre client mis en cause dans la même affaire”.

Un avocat qui transmet, à des tiers ou à des journalistes, des informations obtenues en cours de garde à vue, d’enquête ou d’instruction viole le secret professionnel et le secret de l’instruction. Dans un contexte de forte médiatisation d’affaires judiciaires, l’avocat doit donc être vigilant sur les propos tenus en réponse à des journalistes en se bornant à commenter des éléments de l’enquête en cours déjà médiatisés sans outrepasser les limites de la liberté d’expression dans l’exercice des droits de la défense ni violé le secret professionnel et le secret de l’enquête.

 

Sanctions

“La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende” (Article 226-13 du code pénal)

Le délit de divulgation du secret professionnel est pénalement sanctionné par l’article 226-13 du Code pénal et constitue un manquement aux règles déontologiques. L’intention de nuire n’étant pas une condition essentielle du
délit de violation du secret professionnel, le simple bavardage excessif peut conduire son auteur à être sanctionné.

Le secret de l’enquête et de l’instruction est un autre exemple intéressant de la relation entre le client et l’avocat puisque ce dernier peut ne pas le respecter dès lors que ses déclarations sont mesurées et surtout limitées au strict besoin de la défense et donc dans la mesure où l’avocat agit dans l’intérêt de son client. Cependant, en aucun cas l’avocat ne peut se charger de message pour le compte de son client détenu, qu’il s’agisse de messages à transmettre à l’extérieur de la prison ou de messages devant parvenir au prisonnier. Un tel comportement pourrait notamment être sanctionné sur le fondement du délit de divulgation d’informations issues d’une enquête ou d’une instruction (article 434-7-2 du Code pénal). Il s’agit ici d’un délit protecteur de l’intérêt collectif en ce qu’il empêche l’avocat d’intervenir au coté de son client lorsque cette intervention risquerait de causer des troubles à l’intérêt public, notamment en ralentissant ou en faisant échouer l’enquête ou l’instruction en cours.

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La violation du secret professionnel constitue un délit pénal et un manquement à la règle déontologique susceptible de sanctions disciplinaires.

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https://www.conseil-constitutionnel.fr/publications/titre-vii/le-secret-professionnel-de-l-avocat

https://www.actu-juridique.fr/professions/le-secret-professionnel-de-lavocat-en-douze-questions-reponses