Plusieurs études publiées en fin d’année permettent de comprendre l’impact de l’IA notamment dans le secteur culturel et le transfert des valeurs générés, ce qui permet d’expliquer pourquoi certains géants du numérique n’hésitent pas à se lancer en politique et orchestrent des campagne de désinformation dans l’UE pour à terme déréguler un marché émergent afin de pouvoir continuer de le dominer et d’en abuser.
Mise à la disposition du public d’un résumé détaillé
Le rapport du Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique CSPLA rappelle que la collecte et l’exploitation des données culturelles revêtent une importance stratégique pour les fournisseurs de modèles d’IA. Destiné à créer un cadre favorable à l’innovation et protecteur des droits et valeurs de l’UE, le règlement relatif à l’intelligence artificielle (RIA) du 13 juin 2024 complète le règlement général sur la protection des données (RGPD) du 27 avril 2016 et la directive relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans le marché unique numérique du 17 avril 2019. L’article 53 du RIA crée une obligation de transparence qui impose aux fournisseurs d’IA de mettre en place une politique visant à se conformer à la législation de l’Union en matière de droit d’auteur et de droits voisins (art 53, 1, c) et de mettre à la disposition du public « un résumé suffisamment détaillé du contenu utilisé pour entraîner le modèle d’IA à usage général » (art 53, 1, d) conforme au template fourni par le Bureau de l’intelligence artificielle. Selon le CSPLA, la politique de conformité exigée à l’article 53, 1, c du RIA et la mise à la disposition du public d’un résumé suffisamment détaillé imposée à l’article 53, 1, d sont indissociables. Le modèle de résumé doit en conséquence intégrer les éléments pertinents de la politique de conformité, et notamment ceux relatifs à la clause de réserve de droits (« opt out ») prévue par l’article 4 de la directive de 2019 relative au droit d’auteur et aux droits voisins. La finalité du résumé est d’« aider les parties ayant des intérêts légitimes, y compris les titulaires de droits d’auteur, à exercer et à faire respecter les droits que leur confère la législation de l’Union ». Le contenu du résumé ne doit cependant pas porter atteinte au secret des affaires. Le degré de détail du résumé doit donc s’apprécier au regard de cet objectif et en tenant compte de cette limite. Contrairement à ce que soutiennent certains fournisseurs de modèles d’IA, le résumé n’a pas à se contenter de lister les « principales » sources de données. Le résumé doit être « complet en termes de contenu » (liste de noms de domaine, URLs datés, etc.) et doit permettre d’identifier l’utilisation potentielle d’une œuvre ou d’un contenu protégé, mais pas de détailler comment ce contenu a été utilisé. En effet, les informations techniques relatives à la tokenisation, au processus de filtrage, etc. relèvent du secret des affaires. Mais la transparence est le préalable à l’émergence d’un marché éthique et compétitif, respectueux de la chaîne de valeur et rémunérant à ce titre les contenus sous droits.
La chaîne de valeur de l’IA
La Direction Générale du Trésor du Ministère des finances segmente la chaîne de valeur de l’IA en trois blocs :
- les intrants nécessaires au développement de systèmes et services d’IA (capacités de calcul, données, main
d’œuvre spécialisée). La France ne dispose pas d’acteurs d’envergure comparable aux leaders mondiaux sur les marchés de la fabrication de puces et de la location de capacités de calcul; - la modélisation, qui comprend le développement des modèles d’IA généralistes (les modèles de fondation) et leur spécialisation. Quelques acteurs français émergent mais ce segment est dominé par les grands acteurs du numérique qui bénéficient d’une intégration verticale, grâce à leurs accès privilégiés aux intrants en amont et aux canaux de diffusion en aval pour déployer leurs solutions d’IA;
- le déploiement de ces modèles chez les utilisateurs finaux. La domination du marché par quelques grands acteurs déjà bien implantés au préalable pose des questions d’efficacité économique, de concurrence et de souveraineté, avec le risque que la diffusion à l’ensemble de l’économie des gains de valeur ajoutée et de productivité liés à l’IA reste limitée
Le transfert de valeur de l’IA dans le domaine de la culture
Le rapport sur l’impact économique de l’IA générative dans les industries de la musique et de l’audiovisuel préparé par PMP Strategy pour CISAC évalue l’impact économique de l’IA générative sur la création musicale et audiovisuelle :
- Musique : En 2028, la valeur des oeuvres générées par l’IA atteindra environ 16 milliards d’euros, avec une perte de revenus pour les créateurs estimée à 24%.;
- Audiovisuel : La valeur des ouevres générées par l’IA atteindra environ 48 milliards d’euros, avec une perte de revenus pour les créateurs estimée à 21%.
- Revenus des Fournisseurs d’IA : Les revenus des fournisseurs de services d’IA générative atteindront environ 3,7 milliards d’euros pour la musique et 5 milliards d’euros pour l’audiovisuel en 2028.