IA & Auteurs en Suisse

L’IA est entraînée avec des œuvres protégées (input) pour produire des contenus (output). Le 27 mars 2025, la Suisse a ratifié la Convention du Conseil de l’Europe sur l’IA mais la Suisse ne dispose actuellement d’aucune législation spécifique à l’IA, ce qui soulève des questions sur la capacité du cadre légal actuel à faire face aux nouveaux défis. La Suisse doit donc procéder aux modifications législatives nécessaires abordées dans un rapport d’état des lieux réalisé à l’initiative du Conseil fédéral et publié le 12 février 2025.

L’œuvre protégée transmise à l’IA peut être reconnaissable dans le résultat (ex. Studio Ghibli). En Suisse, la durée de la protection est de 70 ans après la mort de l’auteur. La copie suppose que les caractéristiques de l’œuvre soient reprises. Il faut identifier les éléments communs à l’œuvre originale et déterminer si ces éléments sont protégés. Il faut donc que l’œuvre originale soit reconnaissable. Il n’y a pas d’atteinte en cas de reprise du style, à savoir les caractéristiques communes à plusieurs œuvres d’un auteur.

La loi sur le droit d’auteur définit l’œuvre protégée comme une création de l’esprit, littéraire ou artistique, ayant un caractère individuel :

  • L’œuvre doit reposer sur une volonté humaine et être l’expression d’une pensée. Le résultat d’un système d’IA pourrait être une création de l’esprit lorsque l’utilisateur influence des éléments du résultat, et ce malgré un certain degré de hasard. Si le résultat est généré de manière autonome, la protection est exclue. Pour l’IA générative d’images, le résultat pourrait remplir cette condition si des choix créatifs sont effectués dans la sélection des données, la rédaction des instructions, la programmation et la génération de l’image de sortie;
  1. Le deuxième critère est le caractère individuel à savoir que la création se différencie nettement des œuvres existantes et des œuvres potentielles qu’un auteur pourrait créer, et l’absence de banalité (originalité). Le caractère individuel doit s’exprimer dans l’œuvre elle-même, et non dans la personnalité de l’auteur. Le degré du caractère individuel exigé dépend de la marge de manœuvre de l’auteur. Un système entrainé pourrait donc faire preuve d’une individualité suffisante.

Les auteurs ont le droit exclusif de décider si, quand et comment leurs œuvres seront utilisées. Les exploitants d’applications d’IA ont donc en principe besoin de l’accord des ayants droit pour pouvoir copier des œuvres dans leur base de données afin d’entraîner leurs algorithmes (input).

Le droit d’auteur suisse n’intègre pas la notion anglo-saxonne de “fair use” mais prévoit une liste exhaustive des exceptions autorisées, tels que l’utilisation à des fins privées, les reproductions provisoires ou l’utilisation d’œuvres à des fins de recherche scientifique. L’utilisation de l’IA pour la recherche scientifique n’est pas exclue mais les applications de l’IA ne sont généralement pas conçues à cet effet. En droit européen, l’exception de fouille de textes et données créée par la directive sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique permet davantage que l’exception scientifique suisse en autorisant l’alimentation des bases de données de l’IA. Les titulaires de droit disposent toutefois d’une possibilité d’opt-out et peuvent ainsi déterminer si, quand et comment les fournisseurs d’IA peuvent utiliser leurs œuvres. Mais la vérification de l’utilisation des œuvres pour lesquelles il a été fait usage de l’opt-out est difficile à mettre en œuvre en raison du manque de transparence des acteurs de l’IA.

Pour Swisscopyright, qui regroupe les sociétés de gestion suisses qui défendent les droits d’auteur et les droits voisins ainsi que les intérêts de leurs titulaires, une règlementation de l’IA dans le domaine de la culture doit s’orienter sur les principes suivants :

  • Si une révision de la loi suisse sur le droit d’auteur (LDA) devait être envisagée, elle devrait respecter le principe d’une rémunération de la créativité humaine. II faudrait donc limiter les restrictions au droit d’auteur et renoncer à des exceptions sans compensation financière en les assortissant systématiquement de droits à rémunération;
  • Des obligations de « compliance » sont nécessaires concernant l’identification, le respect des droits, et l’obligation de signaler l’utilisation de l’IA;
  • La perte de revenus subie par les ayants droit due aux oeuvres générées artificiellement doit être compensée. Les recettes des systèmes d’IA pourront servir de base aux rémunérations à négocier concernant l’entrainement des systèmes d’IA générative. Les auteurs doivent recevoir une part des revenus génères par ces systèmes;
  • La réglementation doit prévoir une obligation de coopération avec les sociétés de gestion collective.

 

 

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https://www.novagraaf.com/fr/vision/droit-dauteur-et-intelligence-artificielle-ia-generative-lapproche-suisse

 

https://www.bakom.admin.ch/bakom/en/homepage/digital-switzerland-and-internet/strategie-digitale-schweiz/ai.html

 

https://www.swisscopyright.ch/fr/news/news-fr/news/position-concernant-lia-generative-et-ses-resultats-en-matiere-de-droit-dauteur.html

 

https://blog.suisa.ch/fr/intelligence-artificielle-et-droit-dauteur/