Potentiel de l’IA en France

Le rapport d’Implement Consulting Group, en collaboration avec Google, évalue le potentiel de l’IA comme moteur d’innovation et de compétitivité pour l’économie française, projetant un gain annuel de 65 à 90 milliards d’euros pour le PIB d’ici 2034 issu de la production d’IA (création de modèles et services) et de l’innovation grâce à l’IA (accélération de la R&D). Il formule plusieurs recommandations pour que la France devienne un leader mondial, notamment en encourageant l’investissement, développant les infrastructures et les talents, accélérant le transfert de la recherche vers l’industrie et en mettant en place un cadre réglementaire favorable.

Potentiel d’innovation

Le potentiel d’innovation se décompose en trois dimensions stratégiques :

Produire de l’IA

Développer la chaîne de valeur de l’IA en France, incluant les infrastructures, les modèles fondamentaux et les applications. La majorité de ce potentiel (environ 70 %) réside dans le segment des applications et services d’IA où l’expertise industrielle française constitue un avantage majeur.

Segment de la Chaîne de Valeur Potentiel Annuel pour le PIB (2034) Analyse Clé
Infrastructures d’IA 5-7 Mds € La demande future en IA exigera de multiplier par 2 ou 3 la capacité des centres de données en Europe. La France, qui détient 10-14 % de la capacité européenne, doit attirer des investissements dans un marché ouvert et concurrentiel.
Modèles d’IA 5-10 Mds € La France est un leader européen avec des acteurs comme Mistral AI, mais ne représente que 3 % des modèles à grande échelle mondiaux (5 % pour l’Europe). L’accès aux meilleurs modèles mondiaux et un cadre réglementaire stable sur le droit d’auteur sont cruciaux.
Applications et Services d’IA 20-35 Mds € C’est le segment le plus porteur, représentant ~70 % du potentiel de la chaîne de valeur. L’expertise industrielle de la France (automobile, pharmacie, luxe) est un atout majeur pour développer des solutions sectorielles. Le pays attire déjà 3-4 % des financements mondiaux en capital-risque dans ce domaine.

Inventer avec l’IA

L’IA n’est pas seulement une invention, mais une nouvelle manière d’inventer, capable de relancer une productivité en R&D en déclin :

  • Impact sur l’efficacité : L’IA peut augmenter l’efficacité des processus de R&D de 10 à 20 % et doubler la qualité des innovations;
  • Applications concrètes : Des gains significatifs sont déjà observés dans la découverte de médicaments où l’IA accélère l’identification de nouvelles molécules, et dans la recherche climatique où elle optimise les modèles;
  • Gains économiques pour la France : L’intégration de l’IA dans la R&D pourrait ajouter 35 à 40 milliards d’euros au PIB annuel d’ici 2034, principalement dans les secteurs suivants :
    • Logiciels et services informatiques (+13-15 Mds €)
    • Équipements électroniques et électriques (+6-7 Mds €)
    • Pharmacie et biotechnologie (+6-7 Mds €)

Commercialiser l’IA

Les entreprises numériques innovantes (start-ups, scale-ups) sont les vecteurs essentiels de la commercialisation et de la diffusion de l’IA :

  • Rôle d’accélérateur : Elles développent les applications qui répondent aux besoins des entreprises et stimulent l’adoption de l’IA dans toute l’économie. 79 % des entreprises numériques innovantes européennes utilisent déjà l’IA générative;
  • Contribution économique directe : Ces entreprises sont environ 130 % plus productives que la moyenne des entreprises européennes;
  • Moteur du potentiel d’innovation : ces entreprises généreront 35 à 45 % du potentiel d’innovation total de 65 à 90 milliards d’euros;
  • Défi pour la France : Bien que la France soit performante dans la transformation de ses start-ups en entreprises matures (“grownups”), elle accuse un retard sur le nombre total d’entreprises numériques innovantes par habitant par rapport aux leaders de l’OCDE. Combler cet écart pourrait générer jusqu’à 90 milliards d’euros de valeur ajoutée brute annuelle.

Limites

Des obstacles subsistent, notamment un déficit de capital-risque par rapport aux États-Unis (148 Md€), une complexité réglementaire et un marché unique fragmenté :

  • Investissement en R&D insuffisant : La France consacre 2,2 % de son PIB à la R&D, un chiffre inférieur à l’objectif de 3 % de la Commission européenne et nettement en deçà des États-Unis (3,4 %);
  • Faibles retours sur investissement : Les investissements en R&D en Europe génèrent des retours sur la productivité de 20 à 25 % inférieurs à ceux observés aux États-Unis;
  • Échec de la commercialisation : L’Europe génère un tiers des idées dans les technologies de rupture, mais peine à les transformer en succès commerciaux. Seul un tiers des inventions brevetées par les universités européennes sont exploitées commercialement;
  • Déficit de financement : L’écosystème européen souffre d’un déficit de capital-risque de 148Md€ par rapport aux États-Unis en 2024, freinant la croissance des entreprises innovantes;
  • Complexité réglementaire : Des réglementations complexes et fragmentées, comme le RGPD et l’AI Act, peuvent freiner l’innovation. Le FMI estime que ces réglementations pourraient réduire de plus de 30 % les gains de productivité liés à l’adoption de l’IA.

Recommandations

Pour réaliser pleinement son potentiel d’innovation en IA, la France doit s’appuyer sur les initiatives existantes, comme la Stratégie Nationale pour l’IA et le plan France 2030, en renforçant son action autour de cinq axes clés :

Encourager les investissements dans l’IA

  • Consolider les financements publics de R&D pour cibler des projets ambitieux (“moonshots”) et encourager la prise de risque;
  • Soutenir les start-ups via des subventions et des marchés publics conjoints pour accélérer leur croissance;
  • Stimuler l’investissement privé en réduisant la bureaucratie et en renforçant le marché unique de l’UE.

Développer des infrastructures de pointe

  • Augmenter la capacité des centres de données et moderniser les réseaux électriques pour garantir un approvisionnement énergétique fiable et propre;
  • Rationaliser et harmoniser les procédures d’autorisation pour l’installation de centres de données;
  • Piloter l’expansion des supercalculateurs européens en s’assurant qu’ils sont gérés par des opérateurs experts.

Mettre en Place un cadre réglementaire favorable

  • Soutenir la simplification de la réglementation européenne pour les entreprises de toutes tailles, en privilégiant les initiatives pro-innovation;
  • Maintenir un régime de droits d’auteur équilibré et fonctionnel au niveau de l’UE, essentiel au développement des modèles d’IA;
  • Clarifier la notion de “solution souveraine” au niveau européen et français pour donner de la visibilité aux acteurs du marché.

Développer les talents en IA

  • Renforcer les partenariats public-privé pour aligner les compétences développées avec les besoins réels du secteur;
  • Élargir le dispositif “Passeport Talent” avec une voie rapide dédiée aux chercheurs en IA;
  • Créer des “chèques-formation” pour les PME afin de faciliter la montée en compétences de leurs employés en IA appliquée.

Accélérer le Transfert de la Recherche vers l’Industrie

  • Faciliter l’entrepreneuriat des chercheurs en introduisant un modèle de contrat standardisé pour les spin-offs académiques afin de simplifier les négociations sur la propriété intellectuelle;
  • Créer un programme de subventions dédié à l’IA, conditionné à une collaboration formelle avec une université ou un laboratoire public français ou européen.

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https://implementconsultinggroup.com/article/the-ai-innovation-opportunity-in-france