DataJust relance le débat sur la justice prédictive

Le 29 mars 2020 est paru au journal officiel le décret créant un traitement automatisé de données à caractère personnel ayant pour finalité le développement d’un algorithme permettant l’élaboration d’un référentiel indicatif d’indemnisation des préjudices corporels et l’évaluation du montant de l’indemnisation. DataJust repose sur l’extraction automatique des données contenues dans les décisions de justice des trois dernières années (2017, 2018 et 2019) présentes dans les bases de données de la Cour de cassation (JuriCA) et du Conseil d’Etat (Ariane), afin de constituer un outil de restitution et de diffusion des montants relatifs à l’indemnisation du préjudice corporel des victimes.

Le syndicat de la magistrature relève:

  1. qu’il existe déjà plusieurs barèmes qui peuvent être utilisés par les magistrats dans le cadre de leur activité juridictionnelle;
  2. que le recours aux algorithmes dans le domaine juridique est croissant dans le secteur privé, le recours à l’open data devant faciliter l’élaboration de tels algorithmes;
  3. que l’article 4 de la loi de programmation pour la justice précise les règles applicables lorsque l’algorithme sert à la résolution d’un différend. Le responsable du traitement a un devoir d’information et de recueil du consentement de la personne concernée sous peine d’irrecevabilité;
  4. qu’en tant qu’algorithme étatique, DataJust aura une autorité incontestable par rapport aux algorithmes élaborés par des sociétés de droit privé, notamment les compagnies d’assurance.

Par ailleurs, la présidente du CNB, Christiane Féral-Schuhl, la présidente de la Conférence des bâtonniers, Hélène Fontaine, et le bâtonnier de Paris, Olivier Cousi, soulignent un problème de conformité de l’article 6 du Décret avec la RGPD.

“Compte tenu des efforts disproportionnés que représenterait la fourniture des informations mentionnées aux paragraphes 1 à 4 de l’article 14 du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 susvisé, le droit d’information prévu à ce même article ne s’applique pas au présent traitement. Afin de garantir l’objectif d’intérêt public général d’accessibilité du droit, le droit d’opposition prévu à l’article 21 du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 susvisé ne s’applique pas au présent traitement en application de l’article 23 du même règlement (art.6 du Décret)

Or, si l’article 23 du RGPD prévoit qu’un Etat membre peut limiter les droits et obligations prévus au RGPD, ces mesures doivent être nécessaires et proportionnées afin de garantir notamment des objectifs importants d’intérêt public général”.

La question est donc de savoir si les “efforts disproportionnés” et l'”objectif d’intérêt public général d’accessibilité du droit” permettent de déroger aux droits des personnes. La CNIL a rendu un avis favorable sur la question des droits des personnes dont les données feront l’objet d’une pseudonymisation.

 

D’une manière générale, les professionnels du droit et craignent une standardisation et une déjudiciarisation des contentieux en matière de préjudice corporel, un tel outil ne devant rester qu’une aide à la décision et non une décision elle-même.

 

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https://www.lemondedudroit.fr/decryptages/69428-decret-datajust-stupeur-mecontentements.html

 

https://www.village-justice.com/articles/datajust-avenement-indemnisation-predictive,34503.html