Affaire Bismuth : entre médiocrité, médiocratie et médiacratie

La Cour de cassation a rendu définitive la condamnation de Nicolas Sarkozy pour corruption et trafic d’influence à trois ans d’emprisonnement dont un an ferme sous bracelet électronique avec trois ans d’inéligibilité. Comment un président de la République gardien des institutions cumulant un nombre historique de poursuites et de condamnations judiciaires peut-il encore être invité dans les médias pour prétendre sans aucune dignité être victime du manque d’impartialité du juge et d’une violation du principe du secret des correspondances avec son avocat ?

Ne pouvant plus contester la véracité des faits d’une extrême gravité avérés et prouvés, Nicolas Sarkozy par l’intermédiaire de son avocat Me Spinosi, brillant et d’habitude plutôt discret, ont décidé de contester l’indépendance de la Justice française d’abord dans les médias puis devant la CEDH fragilisant la confiance des citoyens dans le pouvoir judiciaire après l’avoir brisé vis-à-vis du pouvoir exécutif. Alors que le pouvoir législatif, troisième pilier de notre démocratie, est actuellement fortement fragilisé, l’inconscience politique, la médiocrité, la médiocratie et la médiacratie menacent nos institutions démocratiques.

Rappelons la gravité des faits que Nicolas Sarkozy et son conseil n’osent plus contestés dans les médias : il y a dix ans, lors d’une information judiciaire concernant Nicolas Sarkozy, des conversations téléphoniques avec son avocat Thierry Herzog ont été interceptées laissant penser que Gilbert Azibert, magistrat au parquet général de la Cour de cassation, donnait à Maître Herzog des informations confidentielles sur la procédure en cours contre un poste au Conseil d’Etat de Monaco. Une nouvelle information judiciaire a donc été ouverte pour violation du secret professionnel, corruption et trafic d’influence. Après de longues enquête et procédures et garanties inhérentes à la mise en cause d’un avocat, d’un magistrat et d’un Président de la République,  la cour d’appel de Paris a déclaré le 17 mai 2023 les trois prévenus coupables.

Dans un arrêt du 18 décembre 2024, la Cour de cassation rejette les pourvois :

  1. irrecevabilité de la mise en cause par Nicolas Sarkozy de l’impartialité de l’un des juges de la cour d’appel car à l’époque, le prévenu n’avait pas demandé la récusation du magistrat;

“Le prévenu n’est pas recevable à mettre en cause l’impartialité, qu’elle soit subjective ou objective, d’un magistrat composant la chambre des appels correctionnels, en invoquant l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, au regard d’éléments dont il avait ou pouvait avoir connaissance au moment des débats, dès lors qu’il n’a pas usé de la possibilité d’en obtenir le respect en récusant ce magistrat en application de l’article 668 du code de procédure pénale.”

  1. validité des écoutes téléphoniques qui dès lors qu’elles n’ont pas été annulées, leurs transcriptions sont des pièces de procédure ne pouvant être écartées des débats car elles laissaient penser que l’avocat avait participé à une infraction pénale et ne révélaient pas d’information pouvant nuire à la défense de son client.

“Il ne résulte pas de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme l’interdiction d’utiliser contre le client d’un avocat les propos échangés entre eux sur une ligne téléphonique placée sous écoutes dès lors que ces propos révèlent des indices de nature à faire présumer la participation de l’avocat à une infraction pénale et qu’ils sont étrangers aux droits de la défense”

S’agissant du délit de corruption, elle retient:

  1. que le fait pour un magistrat de récolter puis de partager des informations confidentielles au sujet d’une affaire en cours d’examen au sein de la juridiction à laquelle il est affecté est bien facilité par les fonctions qu’il occupe;
  2. qu’il existait un lien entre le fait de récolter et partager ces informations confidentielles et la perspective d’une contrepartie offerte (un poste au Conseil d’Etat de Monaco);
  3. que l’infraction de corruption est constituée même si l’offre d’une contrepartie est intervenue après la transmission des informations par le magistrat.

Concernant le trafic d’influence, elle relève que le magistrat mis en cause a tenté d’user de son influence, réelle ou supposée, auprès de l’un de ses collègues du parquet général, espérant que celui-ci émette un avis susceptible de peser sur le sens d’une décision de justice à venir.

Enfin, sur la question de la violation du secret professionnel et de son recel, la Cour de cassation rappelle qu’une décision rendue par une chambre de l’instruction au terme d’une procédure qui n’est pas publique est un document secret. Les avocats à qui elle est notifiée en ont connaissance en raison de leur profession et ne peuvent la divulguer. Or, l’avocat de Nicolas Sarkozy a communiqué la décision de la chambre de l’instruction à un magistrat extérieur à cette procédure. Il a donc commis le délit de violation du secret professionnel. Le magistrat qui s’est trouvé en possession de cette décision de la chambre de l’instruction alors qu’il n’occupait aucune fonction justifiant de la détenir s’est rendu coupable de recel de violation du secret professionnel.

Malgré la gravité des faits et la clémence de la peine qui reste par ailleurs aménageable puisqu’après 10 ans de procédures dilatoires Nicolas Sarkozy aura bientôt 70 ans et pourra donc bénéficier d’une mesure d’aménagement de peine, Nicolas Sarkozy et Me Spinosi continuent de jouer les victimes dans les médias au risque de menacer les institutions démocratiques de la France plutôt que de les défendre.

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