Le cabinet d’avocats Squire Patton Boggs nous alerte sur les nouveaux pouvoirs d’enquête et de sanction de la DGCCRF prévus par loi n° 2025-594 du 30 juin 2025 pour lutter contre les fraudes aux aides publiques relatives notamment aux rénovations énergétiques et au démarchage téléphonique.
Face à des schémas frauduleux de plus en plus organisés qui menacent la confiance des consommateurs et l’intégrité des aides publiques, le législateur répond à un impératif opérationnel, particulièrement dans le secteur de la rénovation énergétique : 58 % d’anomalies dans les établissements contrôlés, plus de 12 000 signalements sur la plateforme SignalConso en 2023, et une fraude estimée à 280 millions d’euros pour les seuls certificats d’économies d’énergie.
Afin de permettre aux agents de la DGCCRF de gagner en efficacité et de lutter contre les stratégies visant à retarder le déroulement des enquêtes, ils peuvent désormais :
- accéder aux informations fiscales. L’Article 8 de la loi, créant l’article L. 116 A du livre des procédures fiscales, institue un droit de communication direct, levier majeur pour le ciblage et la matérialisation des fraudes économiques. L’administration fiscale est désormais tenue de transmettre aux agents de la DGCCRF les informations qu’elle détient et qui sont nécessaires à l’accomplissement de ses missions d’enquête et de contrôle;
- échanger des informations avec les partenaires institutionnels passant d’une logique d’enquête isolée à une approche de renseignement économique partagé, permettant une détection précoce des réseaux frauduleux (articles L. 512-20-1, L. 512-20-2 et L. 512-20-3 du code de la consommation) : Commission de régulation de l’énergie (CRE), Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), Agence nationale de l’habitat (ANAH);
- communiquer avec les organismes de certification (ex. : Qualibat pour le label RGE) les éléments recueillis lors des contrôles susceptibles de constituer des non-conformités afin de pouvoir a déclencher des procédures de suspension ou de retrait de labels;
- éxiger l’accès aux algorithmes de l’entreprise (prix, classement, etc.) et imposer que toutes les données leur soient fournies dans un format informatique exploitable pour éviter la pratique de certains professionnels communiquant ces documents sous format papier afin de retarder délibérément l’enquête;
- recourir à l’assistance d’un expert lors d’investigations exigeant des connaissances techniques pointues notamment dans le domaine informatique;
- utiliser une identité d’emprunt en ligne permettant de tester l’intégralité du parcours client (publicité, SAV, avis en ligne), enregistrer les déclarations de la personne contrôlée lorsque celle-ci énonce un argumentaire commercial afin d’apprécier exactement la façon dont les consommateurs sont piégés et de mieux respecter les droits de la défense;
- être anonymisé pour faire face à la multiplication des menaces et actes d’intimidation sur le terrain. Une procédure d’autorisation permet désormais aux enquêteurs de ne pas être identifiés par leurs nom et prénom lors des contrôles, mais par un numéro d’immatriculation administrative.
Les sanctions sont également renforcées :
- injonction de formation pour des anomalies ne traduisant pas nécessairement une volonté de frauder, mais aussi une méconnaissance de la règlementation;
- les injonctions de mise en conformité pour des manquements passibles d’une amende administrative supérieure ou égale à 75 000 euros peuvent être assorties d’une astreinte pouvant atteindre 0,1 % du chiffre d’affaires mondial;
- lorsque les mesures de sanctions sont assorties d’une obligation de publicité, le fait de ne pas publier la décision de sanction est désormais sanctionné;
- Mesure conservatoire de suspension (6 mois renouvelable) d’un label (ex: RGE) en cas de constat d’infraction;
- Interdiction de solliciter un label pour une durée maximale de 5 ans pour une entreprise dont le label a été retiré;
- Suspension d’agrément “Mon Accompagnateur Rénov'” pour 6 mois (renouvelable) en cas de manquement aux règles ou d’infraction constatée;
- Sanction pour défaut d’immatriculation (amende administrative de 7 500€ ) pour défaut d’immatriculation au Registre National des Entreprises (RNE);
- Une transaction administrative peut être proposée par la DGCCRF stipulant des engagements visant à éviter le renouvellement des infractions, ou encore la réparation du préjudice subi par les consommateurs. Le non-respect de ces mesures peut désormais faire l’objet d’une procédure de sanction administrative afin de faire cesser les manquements, à éviter leur renouvellement et à réparer le préjudice subi par des consommateurs;
- Une transaction pénale peut également être proposée, après accord du Procureur de la République, y compris pour les délits punis d’une peine inférieure ou égale à trois ans d’emprisonnement, tels que les délits de tromperie ou d’obsolescence programmée. La transaction pénale en matière de consommation ne concernait avant que certaines catégories d’infractions : contraventions prévues au Code de la consommation concernant l’information des consommateurs et les pratiques commerciales, la formation et l’exécution de contrats, le crédit, la conformité et la sécurité des produits et services, et contraventions relatives notamment au non-respect des règles en matière d’étiquetage des denrées alimentaires.
L’article 13 du code de la consommation instaure des règles beaucoup plus strictes pour la prospection commerciale dans le domaine de la rénovation énergétique :
- Démarchage téléphonique : le régime d’opposition (Bloctel) est remplacé par un régime de consentement préalable explicite du consommateur pour être démarché par téléphone;
- Prospection électronique : interdiction de la prospection commerciale ayant pour objet la rénovation énergétique, que ce soit par message (SMS), email ou sur les réseaux sociaux;
- Sanctions : Au-delà des amendes administratives, la loi prévoit la nullité des contrats conclus à la suite d’un démarchage illicite (création des articles L. 242-16-1 et L. 242-51).
Le dispositif est accompagné de directives opérationnelles :
- Activer systématiquement les droits de communication (fisc, ANAH, etc.) en phase de ciblage afin d’écarter les dossiers à faible potentiel et concentrer la force d’enquête sur les opérateurs présentant les indices de fraude les plus élevés;
- Intégrer, dès le procès-verbal initial, une proposition de suite administrative lourde (suspension de label, publication) pour tout manquement grave afin de provoquer un arrêt immédiat des pratiques et maximiser l’effet dissuasif;
- Faire du contrôle des nouvelles obligations d’information sur la sous-traitance et les labels une priorité dans les enquêtes relatives à la rénovation énergétique afin de garantir la transparence du marché et sanctionner les usurpations de qualification qui trompent le consommateur et faussent la concurrence;
- Exploiter les pouvoirs d’enquête numérique renforcés (accès aux algorithmes, aux données stockées) pour contrôler les plateformes en ligne afin de garantir une protection du consommateur équivalente à celle du commerce physique;
- Mettre en place des protocoles locaux et nationaux pour fluidifier les échanges d’informations avec les partenaires clés (CRE, ANAH, ADEME) afin de passer d’une logique réactive à une coopération proactive dans la détection des fraudes;
- Établir un circuit de transmission systématique et rapide des constats de non-conformité aux organismes de qualification.
Contrôles de la DGCCRF : les agents dotés de nouveaux pouvoirs d’enquête et de sanction