Le guide pour une captation sportive éco-responsable établit un cadre technique de référence visant à réduire l’empreinte environnementale des productions audiovisuelles. Il identifie les principaux postes d’émissions et propose 50 recommandations et clauses contractuelles types à destination des diffuseurs, détenteurs de droits, prestataires techniques, instances sportives et organisateurs d’événements.
Approvisionnement électrique
- Indicateurs : Les groupes électrogènes (GE) peuvent représenter jusqu’à 35 % de l’empreinte carbone d’une captation. Le raccordement au réseau électrique permet de diviser cet impact par 20 (-95 %);
- Enjeux : La nécessité de sécuriser l’alimentation pour éviter toute coupure pousse à l’utilisation de GE diesel, très émetteurs. De plus, leur transport ajoute un impact significatif. Les exigences contractuelles des détenteurs de droits imposent souvent leur usage;
- Recommandations :
- Prioriser le réseau électrique : C’est la solution la moins émettrice en France. L’expérience de Paris 2024, où 100 % des sites ont été raccordés au réseau par Enedis, a permis d’éviter 17 200 teqCO2;
- Certifier les lieux : Mettre en place une certification des enceintes sportives pour garantir une alimentation fiable et conforme aux besoins, afin de s’affranchir contractuellement des GE;
- Utiliser des GE “verts” en dernier recours : Si un GE est inévitable, privilégier des alternatives comme le HVO (biocarburant), les GE à hydrogène ou les systèmes hybrides/batteries, qui permettent de sécuriser une alimentation secteur;
- Sourcer localement et dimensionner correctement : Utiliser des GE disponibles localement pour limiter l’impact du transport. Éviter le surdimensionnement, car un GE est en moyenne utilisé à seulement 15 % de sa capacité.
Déplacement des personnes
- Indicateurs : Le transport des personnes représente 27 % de l’empreinte carbone des productions de France.tv Sport. Un trajet en train + taxi est 70 fois moins impactant qu’en voiture individuelle;
- Enjeux : C’est l’un des postes d’émission les plus importants. La taille du dispositif (nombre de caméras et de personnes) et l’éloignement de l’événement sont des facteurs déterminants. Les événements internationaux et itinérants (ex: Tour de France) sont particulièrement impactants;
- Recommandations :
- Réduire le besoin en transport : Adapter la taille du dispositif au strict nécessaire. Un dispositif “semi-remorque” émet 3,3 fois plus qu’une “régie fly”;
- Recourir au personnel local : Définir une part minimum d’équipes locales dans les cahiers des charges (ex: l’objectif de 50 % de TF1);
- Privilégier la remote production : Pour les événements internationaux, elle permet de diviser l’impact du transport par 4 en réduisant le nombre de personnes se déplaçant;
- Mutualiser les moyens : Partager les moyens techniques entre diffuseurs via des pôles comme les IBC (International Broadcast Center);
- Optimiser les modes de transport : Interdire l’avion pour les trajets réalisables en moins de 5 heures en train. Privilégier les véhicules légers et électriques, car un SUV consomme 15 % de plus qu’une voiture standard.
Prise de vue longue distance
- Indicateurs : Une heure de vol en hélicoptère émet 0,5 tCO2e. Un ULM est 20 fois moins émetteur;
- Enjeux : Les prises de vue aériennes, essentielles pour certains sports (cyclisme, trail), reposent souvent sur l’hélicoptère, un moyen de transport très carboné et qui génère des nuisances pour la faune. Ce poste représente 16 % de l’empreinte de France.tv Sport;
- Recommandations :
- Éviter l’hélicoptère au kérosène : C’est de loin le moyen le plus impactant;
- Privilégier les alternatives : Utiliser des drones (pour des plans pré-enregistrés afin d’éviter le survol de public), des caméras sur câble ou des ULM, qui offrent une qualité d’image équivalente pour un impact bien moindre;
- Utiliser du carburant durable (SAF) : Si l’hélicoptère est indispensable, le SAF permet de réduire les émissions jusqu’à 80 %;
- Adapter le survol des zones naturelles : Respecter les interdictions de vol (réserves naturelles), éviter les zones de sensibilité majeure et suivre les recommandations de la LPO pour limiter le dérangement de la faune.
Régies et équipements
- Indicateurs : L’empreinte de fabrication des équipements d’un car-régie semi-remorque est estimée à 180 tCO2e. 83 % des déchets électroniques mondiaux ne sont pas recyclés;
- Enjeux : L’impact environnemental des équipements numériques provient majoritairement de leur phase de fabrication (extraction de terres rares, énergie). La course à l’innovation (8K, HDR) accélère l’obsolescence et le renouvellement du matériel;
- Recommandations :
- Allonger la durée de vie des équipements : C’est la pratique la plus efficace. Passer de 3 à 6 ans d’usage pour un ordinateur améliore de 50 % son bilan environnemental;
- Choisir la taille de dispositif adaptée : Éviter le surdimensionnement. Le choix d’un gabarit supérieur multiplie par 1,5 à 2 fois l’impact carbone des moyens techniques;
- Intégrer des critères environnementaux à l’achat : Favoriser les constructeurs engagés dans l’éco-conception, la sobriété énergétique et la réparabilité;
- Favoriser la mutualisation : Privilégier la location, le matériel reconditionné ou la mise en commun pour limiter l’achat de matériel neuf.
Transmission, diffusion et données numériques
- Indicateurs : Le visionnage en UHD-4K augmente la consommation d’énergie de +10 % par rapport à la HD. La diffusion sur réseau mobile a un impact carbone 30 % plus élevé que la TNT;
- Enjeux : La chaîne de transmission et de diffusion (datacenters, réseaux) a une empreinte matérielle et énergétique importante. L’augmentation de la qualité d’image (UHD) et les nouveaux usages (streaming) augmentent la sollicitation des infrastructures et poussent au renouvellement des équipements chez le spectateur;
- Recommandations :
- Optimiser le poids des données : Limiter l’usage de l’ultra haute définition et privilégier des codecs performants pour alléger le volume de données transférées. Une étude montre que l’apport de qualité perçue de l’UHD est très relatif et non garanti à bas débit;
- Choisir les réseaux les moins impactants : Privilégier les réseaux terrestres (fibre optique) pour la transmission et la diffusion en broadcast (TNT), dont l’impact unitaire est plus faible que le streaming, surtout sur mobile;
- Éviter l’obsolescence induite : Privilégier des formats compatibles avec les équipements existants pour ne pas inciter au renouvellement prématuré des téléviseurs. Plus de la moitié des individus remplacent leur TV alors qu’elle est encore fonctionnelle.
Décors et plateaux TV
- Indicateurs : À Paris Île-de-France, 40 % des déchets de l’audiovisuel ont une destination inconnue;
- Enjeux : Bien que ce soit un poste d’émission moins important, la construction de décors utilise des ressources et génère des déchets qui peuvent être évités par l’éco-conception;
- Recommandations :
- Appliquer la règle des “5 R” : Refuser, Réduire, Réutiliser, Réparer, Recycler;
- Produire des décors réutilisables : Concevoir des éléments génériques, modulaires, légers et facilement transportables;
- Utiliser des matériaux éco-responsables : Privilégier le bois labellisé (FSC/PEFC), les matériaux recyclés/recyclables, et éviter les PVC, adhésifs et matériaux composites;
- Gérer la fin de vie : Anticiper dès la conception le démontage, le tri et la valorisation des matériaux;
- Utiliser des studios virtuels : Le fond vert est une solution sobre. Les murs LED, bien que performants, ont une empreinte carbone significative (environ 300 kgCO2e/jour) due à leur fabrication et consommation électrique.
Hébergement et restauration
- Indicateurs : La restauration représente en moyenne 12 % des émissions d’une captation. Passer d’un repas au bœuf à un repas au poulet réduit l’empreinte carbone de -78 %;
- Enjeux : L’alimentation est le 3ème poste le plus émetteur. Il représente un levier de réduction important et facilement actionnable, tout comme le choix de l’hébergement;
- Recommandations :
- Réduire le gaspillage alimentaire : Adapter les portions, sensibiliser les équipes et donner les invendus à des associations;
- Végétaliser l’offre alimentaire : Réduire les protéines animales (surtout la viande rouge) au profit des protéines végétales. Proposer systématiquement une option végétarienne;
- Privilégier les produits locaux, de saison et certifiés : Favoriser les circuits courts et les labels (AB, Label Rouge);
- Réduire les déchets : Utiliser des gourdes, des fontaines à eau et de la vaisselle réutilisable pour supprimer le plastique à usage unique. Mettre en place un tri rigoureux;
- Choisir des hébergements labellisés : Privilégier les établissements certifiés (Clef Verte, Écolabel européen) engagés dans une démarche environnementale.
Transformer les comportements
- Indicateurs : Des audiences de 16 à 40 millions de téléspectateurs pour les grands événements sportifs;
- Enjeux : Le spectacle sportif a une influence considérable sur les normes sociales. Il peut normaliser des pratiques durables ou, à l’inverse, valoriser des comportements à fort impact. Les personnalités sportives sont des modèles de plus en plus influents dans la société;
- Recommandations :
- Réduire la visibilité des gestes non-écologiques : Éviter de montrer des bouteilles en plastique, des jets de déchets, ou de valoriser des véhicules polluants;
- Rendre l’engagement environnemental visible (“Planet Placement”) : Intégrer subtilement à l’image des gestes positifs (gourde, tri, vélo) pour les normaliser. Donner une plateforme aux athlètes engagés;
- Intégrer des campagnes de sensibilisation : Dédier du temps d’antenne à des messages spécifiques (ex: “Green Minute”, défis écologiques lancés par des sportifs);
- Consacrer du temps d’antenne au sujet : Créer du contenu éditorial sur les enjeux environnementaux liés au sport ou au territoire traversé (ex: partenariat France TV / Muséum sur le Tour de France);
- Former les athlètes et journalistes : Accompagner les athlètes à l’influence responsable et former les journalistes pour traiter l’urgence écologique de manière adéquate.
Clauses contractuelles types
Le guide propose une série de clauses contractuelles types à intégrer dans les cahiers des charges et les appels d’offres couvrant l’ensemble des thématiques abordées (alimentation électrique, mobilité, choix des équipements, restauration, etc.) et visent à formaliser les engagements RSE entre les commanditaires (détenteurs de droits, diffuseurs) et les prestataires. L’intégration de critères RSE dans la notation des offres (pour 10 % à 25 % de la note) est présentée comme un levier essentiel pour transformer les pratiques du secteur.