La justice fiscale ou le chaos

Dans un excellent article publié dans le Monde du Droit, Maître Philippe de Guyenro résume parfaitement la problématique de l’optimisation fiscale pratiquée par Apple et autres multinationales en Irlande dont la seule finalité est de ne pas payer d’impôt en Europe. La conséquence directe de ces fraudes à la loi déguisées en optimisation fiscale est que la plupart des états européens, en particulier la France, ne parviennent plus à financer l’éducation, la santé, les retraites, etc. et connaissent une recrudescence des idées d’extrême droite se nourrissant de la pauvreté croissante des peuples européens. Il est temps de cesser cette hypocrisie fiscale et de réviser les règles obsolètes de l’OCDE afin de pouvoir imposer ces sociétés dans chacun des pays où elle réalisent leurs chiffres d’affaires.

Depuis 25 ans, Apple a créé des structures en Irlande pour vendre ses produits en Europe, une forte proportion du profit réalisé sur ces ventes provenant  droits de propriété intellectuelle sur les produits de la marque Apple. Ces droits sont juridiquement détenus par des sociétés du groupe constituées en Irlande mais pas résidentes fiscales de cet État et donc pas imposables. Les ventes sont assurées par les succursales de ces sociétés. Les autorités fiscales irlandaises considèrent que les bénéfices attribuables aux succursales peuvent être déterminés par rapport à leur coût d’exploitation sans prendre en compte la partie des profits importants issus de l’exploitation des licences de propriété intellectuelle consenti par Apple Inc. aux sociétés du groupe. Le montage juridique et fiscal permet ainsi une imposition très réduite des profits réalisés par Apple en Europe sur la vente de ses produits, qui ne sont finalement taxés ni dans les succursales, ni dans les filiales.

Depuis 10 ans, la Commission européenne considère que les tax rulings des autorités fiscales irlandaises aboutissaient à une affectation artificielle des bénéfices tirés des licences aux filiales d’Apple, et estime que ces tax rulings sont constitutives d’une aide d’État accordée par l’Irlande à Apple, contraire au droit de l’Union européenne.

Dans un jugement du 15 juillet 2020, le Tribunal de Justice de l’Union Européenne a annulé la décision de la Commission. La problématique juridique était de déterminer à quelles entités les profits générés par les droits de propriété intellectuelle devaient être attribués : en Irlande dans les succursales, ou ailleurs dans les filiales d’Apple. Le Tribunal a jugé que la Commission n’avait pas démontré que les succursales contrôlaient et géraient en réalité les licences.

Dans son arrêt du 10 septembre 2024, la CJUE rejoint la position de la Commission après analyse des fonctions exercées respectivement par les filiales et par les succursales. Elle constate que les filiales n’exercent pas de fonctions actives dans la gestion des licences tandis que la multiplicité et le caractère central des fonctions exercées par les succursales en font les véritables décisionnaires sur ces droits et leur donne le droit de percevoir la quote-part des profits afférente à l’exploitation des licences. Apple doit donc reverser 13 milliards d’euros à l’Irlande.

Force est d’à nouveau constater que le seul moyen de limiter  la concurrence fiscale entre États et les pratiques de planification fiscale agressive est de taxer les entreprises :

  • sur leurs chiffres d’affaire et non sur leurs bénéfices;
  • dans chacun des pays où elles génèrent leurs chiffres d’affaire qui peuvent très facilement être localisés et affectés aux états.

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https://www.lemondedudroit.fr/decryptages/95124-decision-apple-une-etape-supplementaire-vers-l-harmonisation-fiscale.html