Taxe GAFAM & principe d’égalité devant l’impôt

La décision n° 2025-1157 du 12 septembre 2025 du Conseil constitutionnel concerne la taxe dite GAFAM sur certains services fournis par les grandes entreprises du secteur numérique, notamment la société Digital Classifieds France (Leboncoin), dont le chiffre d’affaires dépasse 750M€ au niveau mondial et 25 M€ en France.

Rappelons que cette taxe (3% appliqué dès le premier euro de chiffre d’affaires) a été décidée après le constat amer que ces grandes entreprises ne payaient pas ou peu d’impôt alors qu’elles génèrent d’importants chiffres d’affaire en France.

La société Digital Classifieds France conteste la constitutionnalité de cette taxe, arguant notamment :

  1. Une méconnaissance des principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques;
  2. Une définition imprécise des activités soumises à la taxe;
  3. L’absence de prise en compte du lieu effectif de l’activité ou de l’origine géographique des recettes;
  4. Une double imposition des bénéfices déjà soumis à l’impôt sur les sociétés.

Le Conseil constitutionnel a rejeté les griefs de la société requérante, estimant que :

  1. Le législateur a poursuivi un objectif de rendement budgétaire en taxant les services numériques dont la création de valeur repose sur l’activité des utilisateurs en France;
  2. Les critères retenus pour définir les services taxables et les seuils d’assujettissement sont objectifs et rationnels au regard de l’objectif poursuivi;
  3. Les règles de territorialité et d’assiette de la taxe sont conformes aux principes constitutionnels, notamment en ce qui concerne la localisation des utilisateurs et la répartition de la valeur économique;
  4. La taxe ne revêt pas un caractère confiscatoire et ne méconnaît pas le principe d’égalité devant les charges publiques.

 

J’ajouterai qu’au contraire, cette taxe vient corriger de manière encore largement insuffisante la violation des principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques, garantis respectivement par les articles 6 et 13 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789. L’impôt qui n’est pas payé par ces grandes entreprises numériques (ex. Amazon, AirBnB, etc.), ce sont les autres qui croulent sous les charges sociales et fiscales (citoyens, PME-PMI, etc.) qui le paient à leur place pour équilibrer le budget de l’État et financer les dépenses publiques (Éducation, Santé, Retraites, Armée, etc.).

 

Grief soulevé Réponse et Justification du Conseil Constitutionnel
Définition des services taxables non objective et incohérente Le législateur a poursuivi un objectif de rendement budgétaire. Il lui était loisible de cibler les services où la valeur est créée par l’activité des utilisateurs, et d’exclure ceux où elle provient principalement du contenu fourni par l’entreprise. Ces critères sont jugés objectifs et rationnels.
Seuils d’assujettissement au niveau du groupe créant une présomption de fraude L’intention du législateur était d’imposer les entreprises à forte empreinte numérique. L’appréciation au niveau du groupe est rationnelle pour éviter le morcellement artificiel et tenir compte des effets de réseau. Le Conseil distingue la condition d’assujettissement (appréciée au niveau du groupe) de l’assiette de la taxe, qui reste strictement individuelle. Il n’y a donc aucune présomption de fraude.
Règles de territorialité non conformes et taxant une valeur extra-territoriale Compte tenu de la nature dématérialisée des opérations, le législateur a pu retenir des critères objectifs et rationnels (localisation de l’utilisateur, compte ouvert depuis la France) pour rattacher le service à la France. Le Conseil valide explicitement le fait que le législateur a pu « tenir compte de l’ensemble de la valeur économique provenant d’une transaction impliquant au moins un utilisateur français », même si une partie de cette valeur a été créée hors de France.
Modalités de calcul pour 2019 incohérentes Cette disposition visait à tenir compte de la difficulté pour les entreprises de collecter les données nécessaires avant l’entrée en vigueur de la loi. L’assiette n’étant pas modifiée, le critère, appliqué uniformément, est jugé objectif et rationnel.
Caractère confiscatoire (double imposition) et effets de seuil excessifs Le Conseil distingue la nature de l’imposition : la taxe étant assise sur les sommes encaissées (chiffre d’affaires) et non sur les bénéfices, elle ne peut être analysée conjointement avec l’impôt sur les sociétés pour apprécier son caractère confiscatoire. Le législateur n’étant pas tenu d’instituer une progressivité et compte tenu des seuils élevés et du faible taux (3 %), les effets de seuil ne sont pas manifestement excessifs.
Rupture d’égalité entre entreprises (France/étranger) La loi s’applique uniformément à toutes les entreprises remplissant les conditions, quel que soit leur lieu d’établissement. Elle n’institue donc par elle-même aucune différence de traitement.

 

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https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2025/20251157QPC.htm

 

https://www.zdnet.fr/actualites/la-taxe-sur-le-numerique-dans-les-clous-de-la-constitution-482036.htm