A Minerve …

Notre séjour au Pérou commence à Lima, immense ville qui s’étire le long du Pacifique, sous une nappe de brume quasi-permanente.

Nous sommes accueillis dans la bonne humeur par notre hôte Rosella et ses amis surfeurs. En effet, nous avons la surprise de rencontrer plus de surfeurs en trois jours à Lima qu’en deux mois en Australie ! Ils se concentrent le long des plages de Miraflores et Barranco, deux quartiers qui, avec le centre historique, valent le détour et présentent l’avantage d’être situés à proximité de Chorillos, plus populaire, où nous logeons. Le quartier bohème de Barranco est apprécié par de nombreux intellectuels et artistes pour son calme et ses villas de l’époque républicaine. C’est là qu’un soir de rencontre de football, Rosella nous invite à faire la fête avec ses amis. Si la défaite du Pérou face au Chili a anéanti les chances du Pérou de participer à la prochaine coupe du monde, cela ne nous empêche pas de deviser joyeusement autour de pizzas, plats péruviens, Pisco Sour et autres breuvages assassins, comme le Masato et la Chicha. Cette dernière, lorsqu’elle est préparée avec des trompettes de la mort a des vertus hallucinogènes … Nous admirons également la beauté du centre historique accessible par le Metropolitano (en réalité, une voie rapide pour bus qui permet de traverser la ville en évitant les interminables embouteillages ) où la majorité des monuments se trouve autour de la Plaza de Armas.

La Plaza de Armas de Cuzco nous impressionne plus encore par sa beauté et son authenticité, lors de notre arrivée dans cette ville perchée au milieu des montagnes, à plus de 3.400 m. Pour résister au mal d’altitude, nous devons régulièrement nous abreuver de maté de coca, cinq feuilles de coca infusées dans de l’eau chaude. Il faut également veiller à marcher lentement sous peine de s’essouffler très vite. Cuzco (« le nombril du monde » en quechua) reste la véritable capitale culturelle du Pérou. Il est difficile d’en parler sans évoquer la culture Inca à laquelle reste profondément attaché chaque péruvien. La visite de certains musées de la ville nous aide à mieux comprendre cette civilisation. Selon la légende, le dieu Soleil aurait tiré des eaux du lac sacré Titicaca deux enfants, Manco Capác et Mama Ocllo, et confié au premier son bâton de commandement en or pour qu’il fonde une ville à l’endroit où le bâton pourrait pénétrer sans résistance dans le sol. Le bâton s’enfonça dans la terre fertile de la vallée de Cuzco. C’est à partir du XVè siècle, sous les règnes de Pachacútec (« celui qui transforme le monde ») et de Túpac Yupanqui, que les Incas ont pris le contrôle de quatre régions dont le centre était Cuzco et les ont unifiées.

 

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L’Inca, descendant direct du Soleil et de Wiracocha, le dieu créateur, exerça ainsi le pouvoir absolu sur la moitié du continent sud américain entre la fin du XIVè siècle et le début du XVIè siècle, jusqu’à ce que les Espagnols ne colonisent la région, détruisant les temples incas et érigeant des églises, couvents et autres monuments sur leurs fondations. Nous pouvons cependant admirer des murs incas originels dans certaines rues de la ville et le temple du Soleil, Qorikancha, sur les fondations duquel a été bâti le couvent Santo Domingo. Cuzco fut aussi le théâtre des luttes indépendantistes. A la fin du XVIIIè siècle, Túpac Amaru II réclama la liberté pour toute l’Amérique dans un mouvement révolutionnaire qu’inspira les luttes indépendantistes ultérieures et qui le convertit en figure mythique pour la reconnaissance des droits des indigènes. Il fut écartelé et décapité sur la Plaza de Armas au centre de laquelle se dresse maintenant sa statue.

Cuzco est entourée de ruines qui rappellent cette grandeur. Particulièrement dans le domaine de l’architecture et de l’ingénierie hydraulique, les Incas impressionnent par leur savoir faire. Nous marchons 5 h à travers l’une des montagnes dominant Cuzco pour visiter les sites de Tambomachay, connu pour ses canaux et chutes d’eau où l’Inca venait se baigner, de Puca Pucará (« fort rouge ») un poste de garde avec une vue superbe sur la vallée, de Qenko (« labyrinthe ») lieu de culte où les Incas adoraient le Soleil et la Lune, et la forteresse de Sacsayhuamán avec ses murs aux pierres géantes à angles multiples parfaitement ajustées.

Plus tard, à la suite de notre guide Os Man, nous empruntons une longue route poussiéreuse qui nous mène jusqu’à la forteresse d’Ollantaytambo, en passant par Chinchero, Moray, et les salines de Maras. Situé à plus de 3.700 m d’altitude, le village de Chinchero est entouré d’un magnifique paysage verdoyant bordé de hautes montagnes aux sommets enneigés, typique de la vallée sacrée. Une église a été construite au XVIIè siècle sur les ruines d’un palais inca. Elle se détache, toute blanche, sur le ciel bleu. Mais, ce qui nous intrigue particulièrement sur ce site, ce sont les terrasses destinées au soutien des édifices ou aux cultures. Elles ont une inclinaison entre 5% et 7% qui leur permettait de résister aux séismes. Elles bénéficiaient également d’une technique de fertilisation des sols avancée. Par leur structure, ces terrasses étaient conçues de sorte qu’il n’y ait pas de déperdition, de stagnation ou de gel de l’eau. La pierre chauffait au soleil, conservant la chaleur la nuit et entraînant une évaporation naturelle.

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Ici, comme devant chacun des monuments Incas, nous restons perplexes face à la taille démesurée de ces énormes blocs de pierre. Lorsque nous demandons à Os Man comment des hommes arrivaient à les déplacer, il nous répond simplement : « grâce à la coca et l’aide des Dieux ». En effet, les Willaqhumas, sorciers incas aux pouvoirs surnaturels, communiquaient avec eux aux travers de transes magiques … Nous terminons notre visite par un passage dans une fabrique artisanale de magnifiques lainages péruviens. Une femme en costume traditionnel nous donne des explications sur le processus de teinte naturelle de la laine d’alpaga. Les vêtements traditionnels sont encore très présents au Pérou. Il n’est pas rare de croiser une femme en jupe colorée, un enfant enroulé dans une couverture aux couleurs vives sur le dos et un chapeau de feutre sur la tête. Même les lamas et les alpagas sont ornés de colliers et de boucles d’oreilles en brins de laine rose vif, orange ou vert éclatant.

Nous reprenons ensuite la route vers Moray, un centre d’expérimentation agricole inca, composé par trois amphithéâtres constitués de plusieurs terrasses disposées en cercles concentriques. Celles-ci, en fonction de leur hauteur et de leur orientation, bénéficiaient de climats différents, ce qui permettait probablement d’étudier à quelle altitude et température chaque variété de plantes poussait le mieux.

Après cette halte, nous nous dirigeons vers les salines de Maras. Elles sont constituées de centaines de bassins suspendus en terrasses sur les flancs de la montagne. L’eau salée jaillit directement de la montagne et vient se déverser dans ces multitudes de petites piscines. Les villageois se partagent l’exploitation de ce site, déjà connu des Incas. Nous avons déambulé au milieu de ce paysage étonnant, d’une blancheur aveuglante sous le soleil, en évitant d’abimer les pyramides de sel récolté : gris pour l’élevage, rose pour la conservation des aliments et blanc pour la consommation humaine.

Cette journée riche en découvertes se termine à Ollantaytambo. Il s’agissait de l’un des plus importants centre administratif inca et grenier de l’empire. Les Incas y conservaient armes et nourriture dans des cavités et granges situées en hauteur à flanc de montagne. La forteresse barrait l’accès à la vallée sacrée et fut l’un des derniers lieux de résistance face à l’invasion espagnole.

C’est par le train que nous rejoignons la ville d’Aguas Calientes, située au pied du Machu Picchu. Nous y séjournons une nuit afin d’atteindre ce lieu mythique à l’aube. Par un grand escalier, nous arrivons à un édifice de guet qui permet d’avoir une vue plongeante sur ces ruines légendaires, face à la silhouette sombre du Wayna Picchu. Le soleil se lève sur la citée perdue, des écharpes de brume sont encore accrochées aux pics rocheux, on baigne en plein mystère. Ici, raison et magie s’affrontent. Nous restons longuement assis à contempler ce spectacle fascinant. Des ondes inconnues semblent faire vibrer l’âme et l’imagination. Mais il faut bien s’arracher à cette emprise. Nous empruntons alors un chemin vertigineux qui mène aux ruines d’un pont détruit par les Incas pour éviter que les espagnols ne découvrent la cité secrète. Nous descendons ensuite vers la porte d’entrée de la ville en direction de la place sacrée, située à côté du temple des trois fenêtres, et au pied de l’observatoire astronomique. Sur la place principale, des lamas peu farouches font la sieste au soleil. Nous repartons vers le temple des trois portes, le quartier industriel et celui des prisons, avant de terminer notre visite par les temples du condor et du soleil.

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Après 6 h de visite, il nous faut redescendre vers Aguas Calientes. Nous empruntons l’interminable escalier qui serpente au milieu de la jungle et des pitons rocheux qui dominent la région. L’orage gronde et une pluie diluvienne s’abat sur nous et noie le paysage au moment où nous atteignons la ville.

Notre séjour au Pérou se termine dans les montagnes qui entourent Cuzco. Os Man et notre hôte Euler nous font découvrir la région de leur enfance. Ici, entre grottes, cascades et pâturages escarpés, les villageois vivent encore à l’ancienne, d’élevage et de petits lopins de terre.

Il est temps pour nous de rejoindre Bogota, mais ce bref passage au Pérou nous a donné envie d’y revenir tant il y a encore d’autres merveilles à découvrir.

 

 

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