Quittant la région côtière de Gascoyne, nous avons repris la route pour le sauvage Pilbara, dominé par la savane, les canyons et les oasis.

De superficie équivalente à celle de la France, cette région est principalement connue pour ses tribus aborigènes, sa richesse minérale et ses parc nationaux, comme celui de Karijini. C’est là, isolés dans le bush, que nous avons planté notre tente. Autour de nous, le paysage est aride, entrecoupé ça et là par quelques bosquets verdoyants qui offrent un contraste saisissant avec la couleur rouge du sol et le bleu éclatant du ciel. Descendre dans Dales Gorge, un impressionnant canyon de 12 km de long, nous permet d’atteindre trois piscines naturelles et des cascades. L’un de ces bassins, dissimulé par des arbres aux racines tentaculaires, abrite des eaux sombres et mystérieuses. Les feuillages bruissent de cris étranges et des formes noires semblent ramper de branches en branches. Il s’agit de dizaines de chauve-souris qui se balancent au dessus de nos têtes. Pour les aborigènes, ce lieu est sacré. Le soir, avant de nous blottir dans notre tente, nous écoutons les aboiements des dingos au loin en admirant la voie lactée et quelques étoiles filantes.

Pour rentrer sur Perth, nous décidons d’emprunter la voie du centre et de parcourir tranquillement ses 1 400 km en trois jours. La route, toute droite, se déroule à l’infini devant nous. De vastes étendues désertiques, des termitières, du bétail, des collines de terre rouge et des cadavres de kangourous sur le bas coté, les heures défilent sans que nous n’apercevions personne. Les seuls véhicules que nous croisons sont des road trains aux chromes étincelants. Ces gigantesques camions à trois remorques peuvent atteindre jusqu’à 50 mètres de long. Pas d’habitations ici, seuls les road houses jalonnent la route tous les 200 ou 300 km. Cela se résume en général à une station service, un pub et un camping. C’est ainsi que le premier soir, nous nous arrêtons à Kumarina.  Au petit matin, la serveuse nous interpelle pour nous montrer un aigle dans une cage. La veille, un road train l’a heurté et abandonné, blessé, sur le parking. C’est un triste spectacle de voir ce magnifique animal sauvage enfermé. Il refuse de s’alimenter et son regard à la fois impérieux et inquiet nous serre le coeur. La tente pliée et la voiture chargée, nous nous apprêtons à reprendre la route, quand un message devant la pompe à essence attire notre regard. L’aigle a besoin d’un chauffeur pour la ville de Cue, à 300 km de là, où il pourra être soigné. A peine une seconde d’hésitation (comment faire rentrer un aigle de dimensions respectables dans la voiture déjà bien pleine ?!) et nous proposons nos services. Il faut vider le coffre, trouver une cage plus petite dans laquelle transférer l’oiseau et nous voilà partis pour plus de 3h de route, à la recherche de Neil, l’homme qui pourra prendre notre protégé en charge. L’échange à lieu sur le parking de la road house de Cue, minuscule ville dont les bâtiments semblent tout droit sortis d’un décor de far west. Neil nous apprend qu’il s’agit d’une femelle avant de l’emporter avec mille précautions vers sa maison, refuge pour de nombreux animaux en détresse.

Notre ultime étape se nomme Paynes Find. Pour la dernière fois, nous montons notre petite tente dans un champ de fleurs au bord de la highway. Nous nous réchauffons autour d’un feu de camp, heureux d’avoir participé au sauvetage de Lucky, nom que nous avons donné à l’aigle. Depuis, un message de Neil nous a informé qu’elle pourrait voler à nouveau d’ici quelques temps.

« Lucky, your eagle, is recovering well and gets better each day. She has a fracture on her leg and possibly minor injuries to her ribs and pelvis which would have put her in some pain initially and would have prevented her from getting back into the air. She was given pain relief, but doesn’t need it now. Her leg is mending quickly and well. She can run and perch already and is eating all the meat we give her. There were no broken wings so we expect her to take back into the air to resume her life in one to two weeks. I will get a photo to you before she goes.

Thank you for rescuing her.

Neil »

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