Après une semaine de rêve aux Perhentian, le temps se gâte. De gros nuages noirs s’amoncellent et pourtant nous devons rejoindre la côte, pour entamer le long trajet qui nous amènera à Johor Bahru pour le concert de Florent.
Nous quittons d’abord notre petite plage en barque, pour monter dans le speed boat venu nous attendre au large. Dans l’opération un sac tombe à l’eau, heureusement rattrapé avant qu’il ne coule à pic. Le speed boat est déjà bien rempli et les passagers ont le teint un peu verdâtre… Quand le conducteur demande « life jacket ? » tout le monde ou presque agite frénétiquement la main. Le bateau démarre. Lancé à pleine vitesse dans les creux et les vagues, il semble s’envoler avant de retomber lourdement sur l’eau, tout comme nos postérieurs sur les bancs de bois. Le moteur rugit, le vent tourbillonne et pour corser le tout la pluie se met à tomber en petites gouttes dures qui griffent le visage et les mains. Quant enfin nous accostons sur la terre ferme, un soupir collectif de soulagement s’élève du bateau et nous débarquons tous en flageolant.
Nous prenons un taxi pour Jerteh où nous attendrons notre night bus pour un voyage de 12h, du nord au sud, à travers la péninsule. Nous sommes des ovnis dans cette petite ville de l’Etat conservateur de Terengganu, spécialement Anne au milieu du supermarché, où les femmes se retournent en souriant et riant. Il n’y a aucun problème, mais dans les terres, il vaut mieux pour une femme porter des vêtements longs et avoir les épaules couvertes. La religion n’est en rien un obstacle au tourisme si chacun est respectueux de l’autre.
N’ayant pour seul confort que nos sacs de couchage pour lutter contre la climatisation excessive du bus, nous arrivons fatigués à Johor Bahru, au petit matin. Nous rejoignons avec bonheur notre hôtel, avant de retrouver le maestro. Florent est violoncelliste et un des fils spirituels de Jean. C’est aussi notre ami. C’est lui qui s’occupe de la ruche de Vétheuil, dont nous dégustons le miel toute l’année. Alors, comment résister à l’idée d’aller l’écouter jouer Dvorak avec l’Orchestre Philharmonique de Malaisie, sous le haut patronage de la princesse de Johor !? Nous avons passé d’excellents moments en sa compagnie. La veille du concert en nous baladant dans les rues de Johor Bahru, et le soir du concert. Après l’avoir écouté, nous sommes allés dîner et boire des bières offertes par l’ambassadeur français et l’attaché culturel. Tard dans la nuit, la directrice du festival (un peu éméchée) et son mari, nous ont raccompagné à notre hôtel.
La ville de Johor Bahru, ou JB (prononcez « Jay Bi »), se situe à l’extrémité sud de la péninsule malaise, une position stratégique qui lui vaut une richesse qui pourrait largement rivaliser avec celle de Singapour, si le poids des traditions ne freinait pas son développement qui reste cependant visible et important. Si JB est un centre indéniable du commerce, on ne peut pas dire que cette ville dans l’ombre de Singapour ait beaucoup d’attrait sur le plan culturel, d’où l’importance d’un festival tel que « Johor Bahru – International festival City ». JB est surtout le point de passage obligé pour Singapour. Un pont, le Causeway, relie les deux villes, mais on met un temps infini pour traverser ces quelque kilomètres aux heures de pointe, au risque de rater son avion lorsqu’on doit repartir via Singapour Airport …
Singapour est l’opposé des villes encombrées, surpeuplées et polluées d’Asie du Sud-Est. Les rues et les trottoirs sont immaculés et le trafic routier est régulé au point de taxer chaque véhicule et de bannir tout véhicule de plus de 10 ans. Même les toilettes du métro sont beaucoup plus propres que partout ailleurs ! Marina Bay Sands, avec ses 3 tours de 55 étages et sa piscine à débordement, et les Gardens by the Bay, sont devenus les symboles de ce pays dépourvu de ressources naturelles et dépendant entièrement de ses voisins pour son approvisionnement. Sa richesse repose exclusivement sur la finance et la pétrochimie. Deux des maux de notre planète sont donc les piliers de ce nouveau Babylone.
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